16 février 1899 - La dragée de trop
"Il voulait être César, il ne fut que Pompée !"
François Félix Faure, président de la République de 1895 à 1899 |
Ça s'est passé il y a 125 ans.
Cette réplique, devenue célébre est prononcée par Georges Clémenceau le 16 février 1899, lorsqu'il apprend la mort du président de la République Félix Faure, cinquante-huit ans, à l’Élysée "dans les bras" de sa maîtresse Marguerite Steinheil*.
Contrairement à la légende urbaine, il n’aurait pas succombé d’un excès de zèle de sa talentueuse maîtresse mais probablement du viagra de l’époque : la dragée Yse. Ce médicament, à base de phosphure de zinc, permet aux seniors de retrouver la virilité de leur jeunesse, mais présente le fatal inconvénient de bloquer la circulation rénale.
La journée du 16 février 1899 est chargée pour notre président : un conseil des ministres est réuni avec pour ordre du jour l’affaire Dreyfus. Passablement désabusé par cette perspective peu réjouissante, Félix Faure téléphone à Marguerite Steinheil et lui propose de venir le détendre vers 17h au Palais l’Élysée.
Félix Faure et l’huissier en charge des visiteurs du palais ont alors convenu d’un code pour signaler l’arrivée de Madame Steinheil : l’huissier doit sonner deux coups.
Le 16 février 1899, alors que le président attend fébrilement sa maîtresse, l’huissier sonne deux coups. Ni une ni deux, Félix Faure avale une dragée Yse et se précipite sur sa visiteuse, mais déception ! Ce n’est autre que le cardinal Richard, archevêque de Paris, qui entre dans le bureau présidentiel. Après cet entretien, Félix Faure enchaîne avec la visite du prince Albert 1er de Monaco venu plaider la cause du capitaine Dreyfus.
Cela provoque la fureur du président qui, par ailleurs, ne pense qu’à la suite de sa journée dans les bras de sa maîtresse.
À la suite de cet entretien houleux qui énerve passablement Félix Faure, l’huissier sonne deux coups.
Cette fois pas d’erreur, c’est bien Madame Steinheil qui se présente ! Albert 1er est sommairement congédié.
Avant de gagner le salon bleu réservé à l’intimité républicaine, Félix Faure se donne du courage en avalant une deuxième dragée. Ce sera la dragée de trop. Passablement éreinté et alors que Madame Steinheil débute ses diligences avec le talent qui la caractérise, Félix Faure fait un malaise sur le canapé.
Alerté par les cris du président et de sa maîtresse, le chef du cabinet Le Gall se précipite dans le salon. Il découvre Félix Faure en tenue d’Adam, ne portant plus que son gilet de flanelle, allongé sur un canapé et la main crispée dans la chevelure de sa maîtresse. Marguerite Steinheil, déshabillée, réajuste nerveusement ses vêtements en désordre et file à l’anglaise.
La mort de Félix Faure au palais de l'Elysée (illustration parue dans le Petit Journal de 1899) |
Félix Faure meurt vers 22h d'un "accident vasculaire cérébral" comme on relève pudiquement le soir même, dans la presse.
Les circonstances croustillantes du décès prirent rapidement le pas sur la tragédie d'une mort subite. La légende rapporta que l'abbé Herzog, curé de la Madeleine, fut mandé par Berthe Faure l'épouse du président pour lui administrer les derniers sacrements mais, sans attendre son arrivée, il fut remplacé par un prêtre de passage devant l'Élysée qui, en demandant à son arrivée : "Le président a-t-il toujours sa connaissance ?" se serait entendu répondre : "Non, elle est sortie par l'escalier de service !".
Mme Faure habitant l'Élysée, la maîtresse dut en effet, pour éviter le scandale, s'éclipser tellement vite qu'elle en oublia son corset, vêtement que le chef de cabinet Le Gall a conservé en souvenir.
Le président eut droit à des obsèques nationales, célébrées le 23 février 1899, quant à Marguerite Steinheil, elle s'est exilée en Angleterre, y finir ses jours. La "pompe funèbre", comme elle était surnommée à Paris, meurt à quatre-vingt-cinq ans le 18 juillet 1954. à Hove dans le Sussex, ça ne s’invente pas !
* dite "Meg", épouse du peintre Adolphe Steinheil.
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Source : Article partiellement ou en totalité issu de Wikimédia. Pour les curieux : Armand Lanoux, "Madame Steinheil ou la Connaissance du président", éditions Bernard Grasset, Paris, 1983.
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