dimanche 29 janvier 2023

La Clairon (1723-1803)


29 janvier 1803 - Mort de La Clairon


Elle venait de fêter ses 80 ans… mais après des mois de souffrance, Claire Josèphe Hippolyte Léris de La Tude dite Mademoiselle Clairon meurt, rue de Lille à Paris.

Ca s'est passé il y a deux cent vingt ans.
Mademoiselle Clairon (1723-1803)
" ... C'est en observant de sa fenêtre la célèbre Mademoiselle Dangeville, que la jeune Claire Josèphe Hippolyte Léris de La Tude, dite Mademoiselle Clairon, se sent une vocation impérieuse pour le théâtre... "

Edmond de Goncourt a brossé d’elle un portrait ni toujours flatteur ni dénué de partis pris. L’icône de la tragédie française a peu à peu disparue des mémoires mais laisse un nom insolite et mutin. Un nom, sur une plaque presque effacée du 4 de la rue Clairon, à Condé-sur-Escaut. Un nom qui pique la curiosité. Qui est donc cette célèbre actrice oubliée au nom si pittoresque et bruyant ? Un nom qu’elle s’est choisi elle-même… Et qui donna naissance, sous la plume de Voltaire, au mot de "claironnade" !

Grande tragédienne du XVIIIe siècle elle fut autant adulée par les plus grands, comme Voltaire et Diderot … que détestée par ses pairs qu’elle malmenait plutôt. Elle a eu des haines plus fidèles que ses amours, et des amitiés plus solides qu’on ne croit. Quant à sa vie intime, on dit qu’elle aima, beaucoup, beaucoup, beaucoup les hommes… Et, quelques femmes aussi.

De Condé-sur-Escaut à la Comédie Française

Née le 25 janvier 1723 à Saint-Waasnon de Condé, qui deviendra Condé-sur-Escaut en 1886, elle est la fille illégitime d’une ouvrière couturière Marie-Claire Scanapiecq et de François Joseph Léris ou Lerys, militaire, sergent de la mestre de camp de Mailly, dont elle garde le nom.
Monument d'Henri Gauquié à sa mémoire,
place Saint-Amé à Condé-sur-Escaut.
Ses premières heures sont rocambolesques. Car, selon ses mémoires, ce 25 janvier, le carnaval bat son plein dans la petite ville de Condé. Tout le monde est déguisé y compris Monsieur le curé. Née prématurée à sept mois, elle semble trop faible pour pouvoir vivre longtemps. C’est en tenue d’Arlequin que le prêtre la baptise en urgence assisté de son vicaire affublé en Gille… Le tableau est cocasse… Mais probablement faux.

Elle n’aura de cesse toute sa vie de se montrer avant tout comme une victime. Une victime de sa condition sociale, de sa mère qu’elle dépeint comme "Une femme violente, ignorante et superstitieuse " qui la forcera presque à se marier un pistolet à la main. Victime des hommes… Et des femmes… De la maladie, de l’ingratitude… Ses mémoires(*) et ses lettres sont un long plaidoyer pour justifier son tempérament emporté, jaloux, vindicatif et très intéressé par les choses matérielles.

Elle nous dépeint une enfance malheureuse auprès d’une mère qui ne lui témoigne ni douceur, ni amour. Elle naît dans un milieu très modeste où les enfants commencent à travailler tôt. Sa vie est tracée : Elle fera des travaux de couture, comme sa mère. Mais la petite Claire se rebelle et refuse.

Elle a onze ans quand sa mère déménage pour Valenciennes puis Paris et l’emmène avec elle mais en la laissant seule à longueur de journée. La fenêtre de sa chambre donne sur les appartements d’une certaine Dangeville, qui débute, à 15 ans, une carrière d’actrice. Claire-Joseph est subjuguée par cette jeune fille à qui l’on donne des cours de maintien et de danse. Elle l’observe et refait chaque geste à l’identique, singeant bientôt les gracieux mouvements, se mettant en scène dans des situations imaginaires.

Un jour, sa mère, réticente, l’emmène à une représentation de la Comédie Française, elle est incapable de prononcer une seule parole de toute la soirée puis s'occupe, la nuit entière à retrouver et dire tout haut ce qu'elle avait entendu déclamer sur les planches. C’est une révélation. Désormais, elle sait ce qu’elle veut être : comédienne à son tour. Sa mère s’y oppose violemment, la laissant presque sans nourriture pendant plus de 2 mois. La jeune fille ne plie pas et finit par avoir gain de cause.

Le 8 janvier 1736, La jeune Claire débute, à l'âge de 13 ans, à la Comédie Italienne où son application, son ardeur, sa mémoire enfin, confondaient ses instituteurs. Elle s'en va exercer ses talents à Rouen, où elle se voit invitée aux soupers de femmes distinguées et autres notables. Elle se fait aussi connaître pour sa vie amoureuse tumultueuse et "son existence galante", au point qu'un cruel petit livre est écrit contre elle. Elle y est affublée du surnom évocateur de Frétillon.

La comédienne se retrouve à Paris dans une situation précaire pendant quelques mois. A l'aide de protecteurs, elle finit par retrouver le chemin de la scène et entre à l'Opéra où elle débute en 1743, à l'âge de 20 ans. Elle rencontre le succès et entend désormais qu'on l'appelle Clairon : "quiconque m'appellera encore Frétillon, peut compter que je lui foute le meilleur soufflet qu'elle ait peut être encore reçu de sa vie !". Elle vit alors dans la plus haute société d'hommes de Paris, où "la foule de ses illustres amants fut si grande que, malgré l'appétit de la belle, elle fut embarrassée de choisir". Sacré tempérament décidément.

Une actrice de caractère

Edmond de Goncourt insinue fortement que la réussite fulgurante de l’actrice tient beaucoup aux amitiés intimes et masculines qu’elle a nouées dans les villes de garnisons où elle jouait. Les officiers sont issus des plus grandes familles de la noblesse française : le prince de Soubise, le duc de Luxembourg, le marquis de Bissy…Une chose est certaine, la jeune Clairon a compris dès sa jeunesse, et sans doute grâce à sa mère, que les hommes sont des "marchepieds" utiles dont il faut apprendre à se servir. Sans grandir vraiment dans la misère, chaque sou est compté. Chaque sou doit se gagner à la sueur de son front…. De cette précarité sociale, elle gardera toute sa vie le souci d’amasser des cadeaux, de chercher des rentes, de monnayer sa présence, de réclamer à ses anciens amants, qui des chandeliers d’argent, qui une boîte en écaille, un portrait … Qu’elle revendra en fonction de ses besoins d’argent. Aux jeunes acteurs qu’elle prendra sous son aile, à la fin de sa vie, elle conseillera explicitement d’ "amasser" pendant que la jeunesse et la gloire le permettent.
Buste en marbre de Melle Clairon, par Jean-Baptiste Lemoyne de 1761,
Paris, Comédie-Française
Elle n’est pas la seule à le faire. Les artistes qui n’ont pas de fortune personnelle courent le cachet, le billet, les rentes, les bons mariages, officiels ou non. Ils acceptent les cadeaux, les largesses pour assurer le quotidien, pour avoir un costume et monter sur scène. Comme beaucoup d’artistes, d’écrivains, de musiciens, de peintres… La Clairon doit monnayer au mieux ses talents, sa jeunesse, sa renommée. Les méchantes langues ont largement relayé les rapports de police mentionnant volontiers que l’organe vocal de la Clairon n’était pas réservé qu’à la scène… Mais que dans l’intimité, elle ne s’en privait pas non plus.

Plus on la découvre, plus on s’attache à cette force inouïe qu’elle a eu de lutter et d’apprendre : Apprendre et toujours apprendre pour s’élever au-dessus de sa condition, pour devenir actrice, pour évoluer dans cet univers mondain qui n’est pas le sien. Apprendre à lire et à écrire. Apprendre à parler, s’habiller, marcher. Apprendre à évoluer sur scène, à danser, à poser sa voix, à avoir du talent. Car elle a appris avoir du talent. Rien n’est inné chez elle sinon cette faculté d’observer, de reproduire, de s’adapter, de plaire.

Aussi habile à lier des amitiés que douée pour se faire des ennemis, Mademoiselle Clairon va occuper la scène pendant plus de 22 ans. Au bout de ce terme, le refus qu’elle fit, ainsi que tous ses camarades, de jouer dans le Siège de Calais avec un acteur nommé Dubois, auquel on reprochait une bassesse, la conduisit au Fort-l’Evesque, et l’exila du théâtre ; car elle ne voulut jamais y rentrer par une voie humiliante.
Mademoiselle Clairon - Portrait en Medee
par Charles André van Loo (1760) Nouveau Palais Postdam Allemagne
Mais sa santé fragile la rattrape. En 1765, malade, elle va à Genève pour consulter le docteur Tronchin qui la menace de mort si elle remontait sur la scène. De Genève, elle se rend à Ferney voir Voltaire sur son invitation : "Il n'y a, Mademoiselle, que le plaisir de vous voir et de vous entendre qui puisse me ranimer, vous serez ma fontaine de Jouvence". Après deux représentations, Voltaire écrit : "J'ai vu la perfection en un genre, pour la première fois de ma vie". Il sait flatter l’actrice. Il l’encense en même temps qu’il s’agace des conseils et des changements qu’elle lui suggère dans ses pièces. Excusez du peu !

Quand le rideau tombe …

En 1766, alors qu'elle est de retour à Paris et attendue pour reprendre un rôle, elle déclare prendre se retraite, décision qu'elle mûrissait depuis quelques mois déjà, elle a 43 ans. Elle quitte alors la rue Visconti pour s'établir rue Vivienne, puis rue du Bac à partir de 1768.
Marie-Françoise Marchand dite Mademoiselle Dumesnil,
rivale de Mademoiselle Clairon
Elle n'est pas vraiment regrettée par ses compagnons de la Comédie-Française, la comédienne ayant toujours suscité embarras, difficultés, froissements d'amour-propre, en raison de ses exigences et de son despotisme. Par contre, pour la Clairon, c'est la mort de n'avoir plus tous les soirs, les bravos du public et finit même par regretter d'avoir quitté le théâtre. Elle joue encore sur quelques scènes privées ou devant le roi, mais le public commence à lui reprocher sa lenteur, son air avachi et ses habits mal choisis.

L'actrice crée alors une école de jeunes élèves, qu'elle se complaisait à former pour le théâtre. Elle s'entiche tour à tour de jeunes hommes qui deviennent ses protégés et qu'elle conseille et lance dans la profession avec une sollicitude toute maternelle et parfois ambiguë. Elle poursuit une vie sagement passionnée, gérant la fin de sa relation avec le comte de Valbelle, se débrouillant pour conserver un train de vie digne de son rang.

En 1772, grand changement dans sa vie, elle devient la maîtresse du jeune prince allemand Margrave d’Anspach, neveu du grand Frédéric. Pendant 17 ans, elle va se partager entre la France et l’Allemagne. Elle se pique de jouer auprès de son amant un rôle de conseil, de ministre occulte. Elle s’étonne même que l’épouse officielle du Prince ne l’aime pas, elle qui encourage pourtant son mari à poursuivre ses devoirs conjugaux. Étonnante Clairon. Si la 1ère année semble idyllique, les années suivantes sont teintées de désillusion et d’ennui. Elle avoue ne rester que pour la – petite – rente qu’on lui verse. Pourtant son train de vie finit par faire grincer les dents… Sa liaison prend fin au bout de 17 ans. Le prince, qui a toujours été volage, a une nouvelle favorite, lady Graven, une jeune Anglaise, qu’il finira par épouser. C’est l’heure du bilan pour l’actrice. Elle se dit ruinée par le comte de Valbelle, son amant pendant 19 ans, et laissée sans ressources par le Prince. Dans ces lettres, elle se plaint d’être une nouvelle fois abandonnée, trahie…Et vieille : Elle a désormais 63 ans.

Une vie en "claire obscure"

De retour à Paris, elle s'attelle à la rédaction de ses mémoires, qui comportent notamment la référence à son installation au 21 rue Visconti, maison, écrit-elle, "habitée par Racine". L'erreur, probablement insinuée par l'"agent immobilier" de l'époque pour valoriser le bien à louer, a été répercutée sans vérification jusqu'au début du XXe siècle. Aujourd’hui on attribue le lieu de décès de l’auteur de Phèdre au 24 rue Visconti (anciennement rue du Marais).
Mademoiselle Clairon. Estampe de Jean-François Janinet (1752-1814)
Septembre 1786, elle s’installe, dans la très sélecte campagne d’Issy (Issy-les-Moulineaux). Elle écrit, dans ses mémoires, sans pudeur qu’elle est malade, seule, sans le sou, à peine a-t-elle un toit au-dessus de la tête… Mais est-ce encore une fois la réalité ? Claire aime la lumière mais pas toute la lumière. Elle a laissé soigneusement dans l’ombre beaucoup d’aspects de sa vie : Celle de la jeune fille avant d’être actrice… Celle de jeune actrice avant d’être une icône… Celle de l’amante avant d’être favorite… Celle des amours interdites qu’elle a seulement esquissé au fil de ses lettres. Car, quand elle revient en France, elle ne vit pas seule. Elle partage sa – très belle – maison avec une gouvernante dont on peut penser qu’elle est en réalité sa maîtresse. Et ce n’est pas la seule qu’on lui connaisse. Passe encore de se rendre en prison sur les genoux d’une Intendante faute de place, soi-disant, dans la voiture… Passe encore d’être séparée d’une mystérieuse inconnue que sa famille veut éloigner de l’ancienne actrice … Mais les autres ? Pure médisance ?

Mademoiselle Clairon a soixante ans passés mais elle aime encore, elle est aimée, et elle souffre quand survient la séparation avec sa gouvernante. Elle, si volubile sur ces amours masculines, restera toujours d’une extrême discrétion et d’une tendre ambiguïté sur ses "amies si chères à son cœur". Ses amours féminines n’ont-elles été que de petits badinages libertins ou une part plus intime et secrète de l’actrice ? S’est-elle servie des femmes comme des hommes, a-t-elle entretenue de longues liaisons avec des messieurs, souvent absents, pour donner le change, a-t-elle tout simplement aimé en toute liberté ? Ce n’est pas la véracité des faits qui est intéressante mais ce qu’ils nous disent de la société dans laquelle elle vit. Les mœurs du XVIIIe siècle sont codées. Le libertinage n’est toléré que si les apparences sont sauves. La favorite est puissante mais dans l’étiquette, c’est la reine qui est au côté du roi. Les messieurs ont des maîtresses qui s’accrochent à leurs bras mais ils sont mariés. Les épouses ont de jeunes admirateurs pour les divertir, mais tiennent leur rôle de mère et maîtresse de maison… Les amours particulières font l’objet de rapports de police mais doivent rester dans le champ privé de l’alcôve. Dans ce jeu de masques et de convenances, la jeune Claire a dû apprendre très tôt qu’on joue autant dans la vie qu’à la scène… Et que la sincérité n’est affaire que de point de vue. Il faut donner à voir et à entendre ce que la société veut voir et entendre… Et pour cela un clairon est un instrument d’une remarquable efficacité!

Les dernières années

Depuis son retour d’Allemagne, elle se plaint de tout. Qu’elle est ruinée, qu’elle a à peine de quoi vivre, que la maladie la cloue chez elle…Pourtant, trois ans avant sa mort, elle rédige un testament qui laisse des biens. Elle a une magnifique propriété, des objets de valeurs, des liquidités, des pieds à terre… Elle n’est pas donc pas dans l’indigence comme elle se plait à l’écrire. Elle a certes raccourci son nom, qu’elle avait rallongé, Claire-Joseph-Hippolyte Léris Clairon de la Tude, devient plus modestement la citoyenne Latude… mais elle traverse la révolution sans dommage apparent. Les temps sont difficiles et les têtes tombent comme celle de sa voisine, la princesse de Chimay, guillotinée, et son château confisqué.

Elle ne quittera pourtant " Issy-l’Union"(**) que peu de temps avant sa mort.

Clin d’œil de la vie à sa région natale, elle s’installe alors rue de Lille à Paris, avec Marie-Pauline Ménard, veuve de La Riandrie, présentée comme sa fille adoptive et chez qui, après des mois de souffrances, elle meurt le 29 janvier 1803 (le 11 pluviôse an XI au calendrier républicain).

Officiellement Mademoiselle Clairon n’a jamais eu d’enfant.

Elle venait de fêter ses 80 ans… Ironie du sort, son indéfectible rivale, Mademoiselle Dumesnil, 90 ans, ne lui survivra que de quelques jours.

Inhumée en 1803 au cimetière de Saint-Sulpice de Vaugirard à Paris, ces cendres furent transférées au cimetière du Père-Lachaise le 29 août 1837, dans la 20e division. La concession à perpétuité est entretenue gratuitement par la ville de Paris. Le monument est orné d’un médaillon en marbre de Louis Noël, ni signé ni daté. On peut lire gravé sur la pierre :

"Ici repose le corps, de Claire Josèphe Hippolyte, LERIS CLAIRON de LATUDE, née à St Waasnon de Condé, (Dept du Nord), le 25 janvier 1723, décédée le 9 pluviose an XI, (29 janvier 1803). Elle traça avec autant, de vérité que de modestie, les règles de l’art dramatique, dont elle sera à jamais le modèle."
La tombe de Mademoiselle Clairon
au Père-Lachaise à Paris


Sources : "Les actrices du XVIIIe siècle : Mademoiselle Clairon" d’Edmond de Goncourt (1889), et l’article d’Isabelle Duvivier sur le site internet Nord-Découverte.

______________________________
* Ses mémoires sont publiées en 1798 et sont jugées peu sincères, pleines de forfanteries et de rancœur, à la confession toujours apprêtée, et ne laissant rien soupçonner de la "Frétillon". Elles n'ont eu qu'un médiocre succès de librairie.

** Nom de la ville de 1793 à ?, aujourd’hui : Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine.
______________________________



mercredi 25 janvier 2023

Anne de Bretagne

25 janvier 1477 - Naissance au Château de Nantes

Représentation d'Anne de Bretagne (1477-1514)
par Jean Bourdichon (BNF)
Nantes, capitale des ducs de Bretagne, en ce 25 janvier 1477, Marguerite de Foix, princesse de Navarre, donne naissance à une duchesse prénommée Anne au château ducal,  alors en plein travaux de rénovation.

Fille aînée du duc François II de Bretagne, elle passe ses premières années entre Nantes, Vannes et Clisson. Elle reçoit une bonne éducation par sa gouvernante, Françoise de Dinan, épouse du comte Guy XIV de Laval. Elle s’initie au latin, à la littérature française et à l’histoire. Elle reçoit également une solide instruction religieuse. Mais le temps de l’enfance et de l'insouciance est bref pour Anne. Très tôt, en effet, son destin est conditionné par les menaces qui pèsent sur le duché breton, indépendant et prospère. Depuis le XIVème siècle, la Bretagne a cherché à s’émanciper du royaume de France. Pour assurer l’avenir du duché, en l’absence d’héritier mâle, le mariage d’Anne devient une question essentielle.

Mariée une première fois, à 15 ans, au roi Charles VIII, son mariage sera annulé à la mort de ce dernier afin qu'elle puisse épouser Louis XII avec qui elle aura un fille, Claude de France, future épouse de François 1er.

Anne meurt à Blois, âgée de 37 ans, le 9 janvier 1514, après une maladie de sept jours seulement. Depuis la naissance de Renée de France, elle avait toujours été languissante. Des funérailles magnifiques attestèrent les regrets de Louis XII ; on porta le corps de la reine à Saint-Denis, et son cœur au couvent des Chartreux de Nantes. 
Reliquaire du Cœur d'Anne de Bretagne
Musée Thomas-Dobrée à Nantes
Elle avait eu quatre enfants de son mariage avec Charles VIII : Charles-Orland, l’aîné, premier dauphin mourut à trois ans. Charles et François ne vécurent pas un mois, Anne mourut enfant.

De son mariage avec Louis XII, Anne eut aussi quatre enfants : deux princes morts jeunes, et deux princesses : Claude, épouse de François 1er, et Renée, mariée à Hercule d’Est, duc de Ferrare. Louis XII avait répudié Jeanne de France pour ne pas lui avoir donné d’héritier, et il n’en eu pas avec Anne de Bretagne.

______________________________



vendredi 20 janvier 2023

Anne d'Autriche


20 janvier 1666 – Jour de deuil au Louvre

Le 20 janvier 1666, Anne d'Autriche meurt au Louvre, à 65 ans, d'un cancer du sein apparu deux ans plus tôt. Ses souffrances sont accrues par l'acharnement des médecins. À son chevet, son fils aîné, le roi Louis XIV, en larmes, perd connaissance. Son deuxième fils, Philippe d'Orléans, tout aussi ému, reste auprès d'elle jusqu'à ses derniers instants. Anne d'Autriche a régenté le royaume pendant la minorité de son fils, jusqu'en 1661. Elle est inhumée à Saint-Denis. Son cœur est confié au Val-de-Grâce, le couvent qu'elle a fait ériger en reconnaissance à Dieu après la naissance de son fils aîné, couvent où elle aurait aimé finir ses jours si la maladie lui en avait laissé le loisir.

Portrait d'Anne d'Autriche
par Rubens en 1625 (Musée du Louvre)
" En ce début de janvier 1666, au Louvre, couchée dans son lit à baldaquin tendu de velours à ramages bleus, Anne d’Autriche se meurt. Elle a soixante-quatre ans. Cela fait treize mois qu’elle souffre atrocement d’un cancer au sein gauche. Dans la ruelle, les médecins et les chirurgiens lui changent régulièrement ses pansements, tandis que derrière le balustre d’argent les courtisans défilent en inclinant discrètement la tête. 


C’est le destin des reines d’enfanter et de s’éteindre en public. Ses deux fils, Louis XIV et Philippe, duc d’Orléans, la veillent, même la nuit. En novembre, on l’a ramenée du Val-de-Grâce en chaise à porteurs, après avoir badigeonné d’eau de chaux sa plaie gangrenée, que la profession médicale – Vallot, premier médecin du roi, en tête – a déclarée incurable. 

On avait tout essayé : les saignées, les purges, les décoctions de rhubarbe et de séné, un remède à base de belladone et de lime brûlée, proposé par un empirique, un autre à base d’arsenic… En vain. 

La puanteur règne à ce point dans la chambre que la malheureuse se protège le visage d’un éventail parfumé et que les femmes de chambre respirent de petits sachets de senteurs. Chaque jour, elle se confesse, se repent de ses péchés, de sa frivolité passée, de sa coquetterie ; après quoi les archiatres tentent de l’endormir avec du jus de pavot. "Je n’en puis plus", lui arrive-t-il de soupirer. Dans la longue attente résignée des jours qui passent, comment ne se remémorerait-elle pas sa vie ? 

Sa première jeunesse à la cour de Madrid, en tant que fille aînée de Philippe III et de Marguerite d’Autriche, son mariage avec Louis XIII, âgé comme elle de quatorze ans, son arrivée sur les rives de la Bidassoa, ses craintes, ses attentes. D’infante espagnole, la voici reine de France. Hélas, c’est la désillusion. L’union n’est consommée que quatre ans plus tard. Son mari, timide, complexé, mélancolique et solitaire, la dédaigne, lui préférant la chasse et la guerre. Elle est pourtant jolie, fine, aimable, enjouée, mais, dans le fond, elle se sent étrangère à la cour et rêve de son pays natal. Surtout, elle doit supporter l’accusation de stérilité. En mars 1622, une fausse couche, provoquée par une course et une chute maladroite, en compagnie de sa chère amie la duchesse de Chevreuse, est cause de l’ire royale. 

Après l’affaire Buckingham – la folle audace de ce bellâtre, ambassadeur anglais, qui s’est montré un peu trop entreprenant dans un jardin d’Amiens, avec la complicité de son mauvais génie, Mme de Chevreuse –, elle est surveillée, délaissée, humiliée. 

Elle mène alors des intrigues désordonnées. Se lançant dans des conspirations contre Richelieu, elle est soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi au lendemain de l’entrée en guerre de la France contre l’Espagne en 1635. Lors du "complot du Val-de-Grâce" – qui a conduit à la découverte de ses correspondances secrètes avec ses deux frères, Philippe IV et le cardinal-infant, gouverneur des Pays-Bas espagnols –, elle est menacée de répudiation. Les naissances tardives de Louis, dit Dieudonné, en 1638, et de Philippe d’Anjou, futur duc d’Orléans, en 1640, assurent la succession française et affermissent enfin sa position. 

Veuve en mai 1643, elle exerce la régence. C’est alors que, par amour maternel, oubliant son indolence naturelle, elle fait preuve d’énergie et de perspicacité, apportant son soutien indéfectible au successeur de Richelieu, le cardinal Mazarin, qui s’oppose au Parlement, à l’aristocratie frondeuse et aux ennemis de l’extérieur, Espagne comprise. L’attachement enflammé, quoique platonique, qu’elle éprouve pour ce bel Italien – il n’y eut jamais entre eux de mariage secret –, renforce l’unité du pouvoir. À la paix des Pyrénées, en 1659, elle est en mesure de remettre à son fils, majeur depuis huit ans, le plus puissant royaume d’Europe. Le mariage de Louis XIV avec sa nièce, l’infante Marie-Thérèse, la comble de bonheur. 

Le 19 janvier 1666, sentant que la fin est proche, elle se fait administrer l’extrême-onction. Vers minuit, l’agonie commence. Le lendemain matin, vers cinq heures, cette femme de grande piété, qui avait soutenu avec constance l’action charitable de M. Vincent, pousse son dernier soupir en embrassant un crucifix.
L'église Notre-Dame du Val-de-Grâce à Paris
À la gouvernante de son fils, Mme de Montausier*, Louis fait cette remarque : "Elle n’était pas seulement une grande reine, elle mérite d’être mise au rang de nos plus grands rois !" N’est-ce pas la plus belle oraison funèbre ? Revêtu de la robe des tertiaires de Saint-François, le corps d’Anne est conduit à Saint-Denis et son cœur, transporté là où il avait longtemps battu, en son cher Val-de-Grâce. 

Texte de Jean-Christian Petitfils - Historien et écrivain.

_________________________

* Julie d'Angennes (1607-1671), duchesse de Montausier, depuis 1661, elle est la gouvernante des enfants de France et dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse. Les mémoires du temps lui reprochent ses complaisances pour les maîtresses de Louis XIV, notamment Mme de Montespan.
_________________________


Reine de France et de Navarre de 1615 à 1643

Régente du royaume de France de 1643 à 1651 


Après la mort d’Henri IV, la reine mère Marie de Médicis décida de se rapprocher de l'Espagne en mariant son fils Louis XIII avec l'infante Anne, fille de Philippe III d'Espagne et de Marguerite d'Autriche. Le traité de Fontainebleau le 30 avril 1612 organisa cette union qui fut célébrée à Bordeaux le 28 novembre 1615.
Anne d'Autriche
Statue dans les jardins du Luxembourg (Paris)
La reine était pieuse, belle et orgueilleuse. Elle ne put jamais s'entendre avec le roi. Celui-ci d'une nature froide, timide et cérémonieuse, fit peu pour lui plaire, d'autant plus qu'il tenait de son père la haine de l'Espagne et qu'il réprouvait la diplomatie de sa mère. 

Pour sa part, Anne d'Autriche multiplia les imprudences en voulant se mêler de politique. Sa longue stérilité fut une cause supplémentaire de sa mésentente avec Louis XIII puisque ses deux fils, Louis (futur Louis XIV) et Philippe (futur duc d’Anjou puis duc d'Orléans) ne naquirent respectivement qu'en 1638 et en 1640.
Louis XIII, roi de France de 1610 à 1643
Elle détesta très vite Richelieu et participa au complot de Chalais qui cherchait à assassiner le cardinal. Lors de la "Journée des Dupes" du 10 novembre 1630, elle se rangea aux côtés de Marie de Médicis qui fut alors définitivement écartée du pouvoir.
Cardinal de Richelieu (1585-1642)
peint par Philippe de Champaigne
Elle fut ensuite compromise dans l'affaire du Val-de-Grâce en 1637 qui fit scandale à la Cour : Richelieu put établir qu'elle entretenait une correspondance secrète avec son frère Philippe IV d'Espagne, alors en guerre contre la France. 

Pour toutes ces raisons, le roi, qui se méfiait d'elle, organisa avant de mourir un conseil de régence présidé par la reine, de façon à ce qu'elle ne puisse pas prendre de décisions sans l'accord des autres membres de cette assemblée où siégeait notamment Mazarin, le successeur de Richelieu.
Cardinal de Mazarin (1602-1661)
l'éminence grise d'Ane d'Autriche
Le 18 mai 1643, soit quatre jours après la mort de Louis XIII, Anne d'Autriche, fit casser le testament royal par le Parlement et se fit octroyer les pleins pouvoirs. Dès lors, elle gouverna sous l'influence de Mazarin, son Premier Ministre et son amant, que peut-être elle épousa secrètement par la suite. Elle lui apporte son soutien indéfectible pendant la Fronde, période au cours de laquelle elle montra une certaine habileté politique.

Contrainte de se réfugier à Saint-Germain-en-Laye (5 janvier 1649), elle fit assiéger Paris aux mains des Frondeurs et leur imposa la paix de Rueil le 1er avril. 

Lorsque la révolte des princes qui exigeaient le renvoi de Mazarin prit une ampleur trop importante, la reine mère fit semblant d'abandonner son ministre. Le cardinal s'exila en Rhénanie (février 1651) tout en continuant à conseiller très activement la régente. Celle-ci le rappela après avoir divisé ses ennemis, le renvoya ensuite pour se rapprocher de Retz et le circonvenir en lui faisant miroiter le chapeau de cardinal. 

Le prince de Condé, chef des frondeurs, ayant multiplié les erreurs politiques jusqu'à la trahison avec l'Espagne, Anne d'Autriche fut assez forte pour rentrer dans Paris le 21 octobre 1652 et faire arrêter Retz, prélude au retour de Mazarin en février de l'année suivante. 

Anne d'Autriche n'a guère suscité la sympathie de ses contemporains ni celle des historiens (le portrait qu'en a tracé le cardinal de Retz dans ses "Mémoires" est d'une rare méchanceté). Il est vrai qu'elle était dure, sèche, autoritaire et trop intrigante. 

Cependant, la résistance acharnée qu'elle opposa aux frondeurs pendant six ans a continué à sauver le pouvoir royal menacé. Elle ne joua plus aucun rôle à partir du gouvernement personnel de Louis XIV (1661) et entra dans la retraite de Val-de-Grâce dont elle avait fait construire l'église sur les plans de l’architecte Mansart. Elle y mourut le 20 janvier 1666. 

_________________________



jeudi 12 janvier 2023

Pierre de Fermat (1601?-1665)


12 janvier 1665 - Mort de Pierre de Fermat


Un mystère plane toujours quant à l'endroit où se trouve la tombe de Pierre de Fermat.
Le génial mathématicien, est-il réellement enterré sous la place Jean Jaurès à Castres ? 
Son tombeau se trouve-t-il dans l'église du couvent des Augustins à Toulouse, 
qui depuis 1795 est un musée ?
Mystère?
Pierre de Fermat (1601?-1665)
Magistrat, poète, polymathe et mathématicien français
surnommé le "Prince des amateurs"
"... Mathématicien et magistrat la carrière de Pierre de Fermat s'est déroulée entre les villes de Toulouse et de Castres. Certes, c'est à Toulouse qu'il a vécu la plus grande partie de sa vie, d'abord comme commissaire aux Requêtes puis comme conseiller au Parlement. Mais il a siégé également pendant plusieurs années à la Chambre de l'Édit, alors établie à Castres, et c'est dans cette ville qu'il meurt le 12 janvier 1665.

"... Fermat revient à Castres en novembre 1663 ; il y retrouve son fils cadet Jean, alors chanoine au chapitre cathédral. Ce séjour qui doit se prolonger d'une année en raison du renouvellement de sa Commission, va être interrompu par la mort, le 12 janvier 1665.

"... Un codicille, rédigé le 13 septembre 1664, à son testament apporte quelques précisions sur ses derniers mois à Castres. Dans le préambule, Fermat indique qu'il est "incommodé d'une maladie qui pourrait avoir de mauvaises suites" puis il précise les avantages faits à sa femme dans son testament dont il confirme les autres dispositions. C'est le jour même de sa mort, le 12 janvier 1665, que Pierre de Fermat, "alyté dans son lit... à cause de certaine maladie et indisposition corporelle, ayant toutefois son bon sens, mémoire, entendement et parfaite cognoissance", confie au notaire ce codicille préalablement "cousu de soye noire et cacheté de son cachet ordinaire avec cire rouge en dix endroits" voulant qu'il demeure secret jusqu'à son décès.

"... Ainsi se trouve infirmée la tradition, longtemps vivace à Castres, qui voulait que Fermat soit mort subitement au cours même d'une audience à la Chambre de l'Édit.

"... Il faudrait pouvoir maintenant préciser la destinée de sa dépouille mortelle. Deux certitudes seulement : tout d'abord on sait que Pierre de Fermat a été inhumé le 13 janvier 1665 dans la chapelle des Révérends Pères de Saint-Dominique "où les Messieurs du Vénérable Chapitre ont fait l'Office" ; le registre des orbituaires précise  "la dite sépulture est dans le balustre du costé du septentrion et il y a une pierre, son nom inscrit dessus ". Ensuite, M. Pierre Salies a établi sans conteste que le reçu de " Mademoiselle de Fermat, veuve à Monsieur Fermat, pour la présence des religieux à l'enterrement de M. Fermat ", en date du 24 décembre 1675, ne correspond pas au transfert des cendres du conseiller en la Chambre de l'Édit, dans le mausolée élevé par son fils dans la chapelle des Augustins de Toulouse, mais à l'enterrement de Christophe Fermat, marchand chandelier à Toulouse.

"... On ne peut maintenant que formuler des hypothèses : il nous paraît peu probable que le corps de Fermat ait été transféré à Toulouse ; les transferts de corps sont rares à cette époque et ils sont le plus souvent signalés dans les registres. Par contre, le fait capital est que la chapelle des Jacobins, rapidement rebâtie en 1598 au retour des frères Prêcheurs dans la ville, détruite à nouveau en 1622 lors des guerres du duc de Rohan et reconstruite à partir de 1632, a été remplacée par une nouvelle chapelle dont la construction a commencé le 20 juin 1665 ; mais l'ouverture de l'église n'a été réalisée qu'en 1678 et les travaux d'aménagement se sont poursuivis jusqu'après 1700.

"... La chapelle, où a été inhumé Fermat, a été transformée à la fin du XVIIe siècle, puis démolie au XIXe siècle, ainsi que tout le couvent, sans qu'à aucun moment ne soit mentionné le transfert des corps qu'elle contenait. On peut regretter que la tombe de Fermat n'ait pas résisté aux injures du temps et surtout à l'indifférence des hommes. La présence de cette tombe n'ajouterait certes rien à la gloire du mathématicien, mais elle serait un prestigieux témoignage d'un moment capital de l'histoire de Castres. ..."

Extrait du "Fermat à Castres" de Dr Pierre Chabbert. (Revue d’histoire des sciences – 1967)
Plaque posée Place Jean Jaurès à Castres
où Fermat a été enterré
On peut y lire :
En ces lieux le 13 janvier 1665 a été enseveli
Pierre de Fermat
conseiller à la chambre de l'Edit
et mathématicien de grand renom
célèbre pour son théorème,
aⁿ + bⁿ ≠ cⁿ pour n > 2

Qui était Pierre de Fermat ?

Pierre Fermat est né à Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn-et-Garonne. On ignore la date exacte. Pour certains le 20 août 1601, pour d’autres le 31 octobre 1605 et d’autres encore entre 1607 et 1608.

Issu d’une famille bourgeoise, il fait ses études à Toulouse qu’il poursuit à Orléans pour devenir bachelier en droit civil.

En 1630, il est nommé conseiller du roi à la Chambre des requêtes au Parlement de Toulouse et à partir de 1648, il accède à des fonctions plus élevées hiérarchiquement, à la Chambre Criminelle et la "Grand’Chambre"**. Puis en 1648, il devient membre de la Chambre de l'Edit de Castres.

Ses fonctions de magistrat lui assurent des revenus aisés accommodés d’un domaine d’environ 140 hectares de bonnes terres de culture. Par ailleurs, ses hautes responsabilités parlementaires lui permettent d’ajouter une particule de noblesse à son nom pour devenir Pierre de Fermat. 

Mais aux dires de certains, ce n’est pas par ses qualités professionnelles que Fermat est reconnu. Il serait même un médiocre magistrat. En revanche, ses activités scientifiques pour lesquelles il s’adonne en amateur, le consacrent comme un génie de son temps. Il ne s’intéresse aux mathématiques que par plaisir, adore la démonstration et propose des méthodes innovantes. 

Pourtant Fermat ne publiera rien de son vivant ; l’essentiel de ses travaux se dispersent au travers de correspondances avec quelques-uns des plus grands scientifiques de son temps tels que Galilée (1564-1642), René Descartes (1596-1650), Blaise Pascal (1623-1662) ou Marin Mersenne (1588-1648).
Marin Mersenne (1588-1648) Religieux,
Physicien, mathématicien et Philosophe français
En 1632, Fermat rencontre pour la première fois Pierre de Carcavi (1600?-1684), un autre conseiller au parlement de Toulouse avec lequel il se lie d’amitié et partage son goût pour les sciences. C’est avec lui et Mersenne que Fermat traite de problèmes sur la chute des corps déjà exposés par Galilée.
Pierre de Carcavi (1600?-1684),
Conseiller au Parlement de Toulouse et
mathématicien français
En parallèle avec Descartes, avec qui Fermat correspond et n’est pas toujours en accord, il développe la notion de représentation graphique d’une fonction. Pour Descartes, le repère permet de résoudre un problème de géométrie alors que Fermat part directement d’une expression algébrique pour tracer la courbe. 

Ses travaux en analyse sont les bases du calcul différentiel que reprendront un peu plus tard Isaac Newton (1643-1727) et Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716). Fermat approche la notion de dérivée pour trouver les minima et maxima de fonctions polynômes et développe une méthode d’intégration proche de celle utilisée aujourd’hui.
René Descartes (1596-1650)
mathématicien, physicien et philosophe français
Dans leurs correspondances, Fermat et Pascal exposent une théorie nouvelle : les calculs de probabilités. Ils s’intéressent à la résolution de problèmes de dénombrement comme par exemple celui du Chevalier de Méré : "Comment distribuer équitablement la mise à un jeu de hasard interrompu avant la fin ?" (le paradoxe du Chevalier Méré). 

L'ensemble des résultats de leurs recherches sera publié en 1675 par Christiaan Huygens (1629-1695) dans son ouvrage "De ratiociniis in ludo aleae".
Blaise Pascal (1623-1662),
Mathématicien, physicien, moraliste, philosophe,
inventeur et théologien français
Mais ce qui passionne le plus Fermat, ce sont les problèmes de l’Antiquité. Il expose et développe des travaux d’arithmétique de Pythagore de Samos (569avJC-475avJC), Euclide d'Alexandrie (320avJC-260avJC), Archimède de Syracuse (287avJC-212avJC), Eudoxe de Cnide (408avJC-355avJC) et Diophante d'Alexandrie (IIIème siècle de notre ère). C’est dans l’ouvrage de ce dernier, "Les Arithmétiques" que Fermat renferme toutes ses recherches sur la théorie des nombres. Il y laisse de nombreux énoncés non démontrés que plus tard le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) tentera de résoudre. On y trouve en particulier l’un des problèmes les plus célèbres de l’histoire des mathématiques : "La conjecture de Fermat" :

 " L’équation xⁿ + yⁿ = zⁿ n’a pas de solution avec x, y, z > 0 et n > 2 "

Cet ouvrage annoté par Fermat sera publié par son fils juste après sa mort en 1665. 

Grace à Fermat l'arithmétique devient une branche des mathématiques à part entière qui se sépare alors de la géométrie.

Nous devons aussi à Fermat le raisonnement par l’absurde qui pour démontrer une affirmation, consiste à supposer l’hypothèse contraire comme vraie dans le but d’aboutir à une contradiction. L’hypothèse contraire étant fausse, l’affirmation est donc vraie. 

Un exemple célèbre de démonstration par l’absurde : Soient deux hypothèses :
- Socrate est un homme
- Les hommes sont mortels
Démontrons par l’absurde que "Socrate est mortel". Pour cela, supposons le contraire : "Socrate est immortel". Puisque les hommes sont mortels, Socrate n’est pas un homme. Mais ceci est contradictoire avec la première hypothèse "Socrate est un homme". La proposition de départ "Socrate est immortel" est donc fausse, son contraire est alors vrai : "Socrate est mortel".

Qu'est-ce que la "conjecture de Fermat"

En mathématiques, on appelle conjecture, une règle qui n'a jamais été prouvée. On a vérifié cette règle sur beaucoup d'exemples mais on n'est pas sûr qu'elle soit toujours vraie. Mais pourquoi la conjecture de Fermat a-t-elle été la plus célèbre d'entre toutes ? 

Tout commence par le théorème de Pythagore. 

Nous savons qu’il existe des solutions à l’équation x² + y² = z². Ce sont les longueurs des côtés d’un triangle rectangle, aussi appelés triplets pythagoriciens. Par exemple, (3, 4, 5) en est un. Le mathématicien français Pierre de Fermat se pose alors la question suivante : si l’on remplace les carrés par des cubes, existe-t-il des solutions non nulles à l’équation x³ + y³ = z³ ? Essayons par exemple 3³ + 4³ = 91, mais 91 n’est pas un cube … Fermat en arrive à affirmer que ce n’est pas possible pour les cubes ni même pour aucune puissance strictement supérieure à 2. 

"Un cube n'est jamais la somme de deux cubes, une puissance quatrième n'est jamais la somme de deux puissances quatrièmes et plus généralement aucune puissance supérieure à 2 n'est la somme de deux puissances analogues." 

Et Fermat ajoute : "J’ai trouvé une merveilleuse démonstration de cette proposition, mais la marge est trop étroite pour la contenir" .
La fameuse marge annotée par Fermat dans "Les Arithmétiques"
Affirmation que Fermat, farceur ou vantard, n’est très certainement jamais arrivé à démontrer !!! 

L'énoncé de la "conjecture de Fermat" dans le langage d’aujourd’hui donne : 
"L’équation xⁿ + yⁿ = zⁿ n’a pas de solution en entiers strictement positifs, pour tout entier n strictement supérieur à 2. " 

Fermat établira tout de même une preuve pour n = 4. Plus tard, le suisse Leonhard Euler (1707-1783) propose une démonstration pour n = 3. En 1828, l’allemand Peter Lejeune-Dirichlet (1805-1859) la démontre pour n = 5, puis en 1840, Gabriel Lamé (1795-1870) et Joseph Liouville (1809-1882) pour n = 7. 

La course folle après la conjecture de Fermat est lancée. Les plus grands mathématiciens et savants s’affrontent pour être le premier à venir à bout de cette étonnante conjecture à l'énoncé si simple mais dont la démonstration semble inaccessible. Il faut dire que des récompenses très appréciables sont promises. L’Académie des sciences de Paris promet une médaille d’or et une somme de 300 000 francs or. 

C’est en 1993 que la conjecture défraie la chronique. Les médias de toutes parts annoncent la fin de ce grand mythe des mathématiques, qui résistait depuis plus de 350 ans à toutes les démonstrations. Le gagnant s’appelle Andrew Wiles, un anglais né à Cambridge en 1953. Sa mère, professeur de mathématiques l’initie très jeune au maniement des nombres. C’est à l’âge de 10 ans qu’il tombe dans la "conjecture de Fermat" en empruntant à la bibliothèque un manuel d’histoire des mathématiques relatant les travaux du mathématicien français. 

"Cela avait l’air si simple, et pourtant aucun des grands mathématiciens de l’histoire n’avait pu le résoudre." dira Wiles à la première lecture de l'énoncé.

Pas si simple, car il faudra au mathématicien anglais sept années d’isolement et de labeur pour arriver à bout, (croyait-il ?) le 23 juin 1993 de la conjecture de Fermat. 

A l’Institut Isaac Newton de Cambridge, Il expose sa démonstration devant une assemblée de savants. L'idée de Wiles est remarquable, en passant par les courbes elliptiques, il unifie différentes branches des mathématiques pour prouver la conjecture de Fermat... Mais après plusieurs semaines, on s’aperçoit que sa preuve comporte une faille. 
Andrew Wiles 
Même si Wiles tente corriger son erreur, après ce revers, c'est le doute puis le désarroi qui l'emportent. Quand le matin du lundi 19 septembre 1994, assis à son bureau, Wiles a de façon tout à fait inattendue une incroyable révélation. Il réalise ce qui empêche sa démonstration de fonctionner et se remet alors au travail. 

En mai 1995, il publie la correction de sa démonstration qui est ensuite officiellement reconnue dans le monde scientifique. Celle-ci fait tout de même plus de 1000 pages. Fermat avait raison de dire qu’elle ne pouvait tenir dans sa marge !!!  

Il reçoit alors un prix spécial par le congrès international des mathématiciens qui attribue habituellement la médaille Fields (l’équivalent du prix Nobel en mathématiques)*, le prix Fermat en 1995 et surtout la fierté de voir la conjecture de Fermat changer de statut et de nom pour devenir le Théorème de Fermat-Wiles.
Statue de Pierre de Fermat
à Beaumont-de-Lomagne

______________________________
* Ayant dépassé l'âge de quarante ans au moment de sa découverte, il n'a pas pu être honoré de la médaille de Fields.

** La Grand’Chambre : cette salle (anciennement "salle neuve" dans le château narbonnais, détruit en 1549) est aujourd’hui la première chambre de la cour d’appel de Toulouse.
______________________________



mercredi 11 janvier 2023

Mort de "La Hire"


11 janvier 1443 - De Montauban à Montmorillon


En 1436, Étienne de Vignolles, dit " La Hire ", reçut du roi Charles VII la baronnie de Montmorillon en récompense de sa brillante carrière militaire menée en partie aux côtés de Jeanne d’Arc. On ne sait pas s’il est venu à Montmorillon, mais c’est dans cette ville qu’il se fit enterrer, après sa mort à Montauban le 11 janvier 1443.
Dessin du gisant d'Etienne de Vignolles avant la Révolution
Après une très longue carrière militaire, sillonné durant des années la France dans tous les sens, "... Pour son ultime voyage, La Hire retourne dans le pays qui l’a vu naître : l’Aquitaine. Peut-être s’y est-il rendu en l’une ou l’autre occasion, durant ses longues années de carrière, pour traiter avec les comtes de Foix, mais il n’y est certes jamais resté. Charles VII est celui qui va ramener La Hire dans le midi.

"Alors qu’ils assiégeaient Pontoise, la ville de Tartas était tombée et le cadet du sire d’Albret avait été fait prisonnier. Charles d’Albret, dès lors, s’était porté au-devant du roi pour demander son aide : les Anglais avaient convenu qu’une bataille rangée déciderait du sort de la ville de Tartas et des domaines de la maison d’Albret."

"En effet, les rois de France et d’Angleterre, à un jour donné (le 1er mai 1442), devaient présenter leurs armées respectives devant Tartas : celle qui l’emporterait sur l’autre gagnerait la ville et sécuriserait les domaines d’Albret. Charles VII entend l’affaire et décide, avec toute son armée déjà rassemblée, dont il gonfle encore les rangs, d’aller lui-même au-devant du défi. La Hire, sans surprise, accompagne le roi."

"L’armée est magnifique, elle aurait compté 32 000 hommes. Mais arrivés devant Tartas, les Anglais brillent par leur absence. Fort de son grand rassemblement militaire, Charles VII en profite néanmoins pour manœuvrer jusqu’à la fin de l’année en Guyenne et s’emparer d’une série de places fortes. Alors que ses troupes commencent à manquer de vivres, il se rabat vers Montauban en janvier 1443, et c’est là que La Hire, épuisé par toutes ses courses, passe de vie à trépas, pour le plus grand déplaisir du roi, qui voit ainsi disparaître l’un de ses plus fidèles et plus efficaces capitaines d’armée...." (Texte de Jonathan Bloch, extrait de sa thèse pour l'obtention de grade de Master - Université catholique de Louvain-la-Neuve.)

Il meurt à Montauban, d'épuisement, le 11 janvier 1443, âgé de 53 ou 63 ans. Sa femme fait rapatrier le corps à Montmorillon. Rien n'affirme qu'il s'agisse du choix du défunt. Il est probable que sa veuve ait souhaité imprimer sa présence à Montmorillon avant de revendre le viager de la seigneurie, 6.000 écus d'or.

Son corps fut placé dans le chœur de l’église Saint-Laurent-Saint-Vincent de la Maison-Dieu, sous un gisant où le baron de Montmorillon figurait en armure en partie recouverte par une courte tunique garnie de sept ceps de vigne, la tête sur un coussin, les mains jointes, un lévrier à ses pieds, symbole de fidélité.
Eglise Sain-Laurent-Saint-Vincent de la Maison-Dieu
à Montmorillon
En 1562, la Maison-Dieu est mise à sac par les protestants et le gisant est mutilé. Ironie de l’histoire, les soldats venaient d’Orléans, ville que La Hire avait contribué à sauver en 1429. Puis, vers 1640, le gisant est déplacé par les moines Augustins dans une niche à gauche au milieu de l’église, au motif qu’il gêne les offices religieux. Il y était encore visible en 1649, date à laquelle Charles Demaillasson rapporte dans ses mémoires l’inhumation de François Ladmirault, ancêtre du général, "dans le milieu de l’église, vis-à-vis d’un mausolée qui est dans la muraille".

Les Révolutionnaires l'ont détaché pour en faire Lepeletier de Saint-Fargeau (Révolutionnaire proche de Robespierre, assassiné en 1793.). Les Thermidoriens (Opposés à Robespierre) ont mis fin au processus. Le gisant brisé se trouverait dans les fondations des maisons du quartier.

En 1839, une pierre tombale commémorative gravée fut installée aux frais de l’État, en présence du sous-préfet et du maire, dans l’entrée de l’église à droite. Mais elle fut ensuite reléguée sous l’escalier du clocher, jusqu’à ce qu’en 1893, cet emplacement ayant été jugé inconvenant, on la fît revenir le long du mur à gauche à proximité de l’entrée où elle n’est plus guère mise en valeur à l’heure actuelle.
Pierre tombale du Chevalier La Hire,
dans la chapelle du Petit Séminaire à Montmorillon

Qui était vraiment Etienne de Vignolles dit "La Hire" ?

Il est né vers 1390, en un lieu encore discuté, mais situé dans le Landes, soit Hinx, soit Préhacq. Son vrai nom est Etienne de Vignolles. Son surnom de La Hire n'est pas expliqué. Il était courant que les hommes d'armes portent un surnom qui pouvait provenir d'une caractéristique physique, d'un défaut caractéristique ou d'un nom de lieu. L'explication la plus répandue est que La Hire vient du caractère coléreux (l'ire en ancien français) d'E. de Vignolles, mais on peut supposer aussi une référence à son origine géographique : Hinx, ou deux localité située près de Vignolles : la Hite ou Larehille. 

Sans qu'on sache trop de choses sur son parcours de jeunesse, on peut noter que les lieux de ses premiers exploits se situent dans les territoires ayant appartenu au duc Louis d'Orléans : Coucy, le Luxembourg. On peut supposer qu'il y est venu dans les bagages du comte d'Armagnac, beau-père et commandant des troupes du duc Charles d'Orléans. C'est en 1418 qu'on le trouve mentionné pour la première fois : il tient garnison à Coucy en compagnie de Pierre de Xaintrailles. Lors de la reprise de Coucy par les Bourguignons, Pierre de Xaintrailles se fit tuer. Dès lors on voit souvent La Hire opérer en compagnie de Jean Poton de Xaintrailles, frère du défunt. La prise de Coucy fut assez rocambolesque : une servante du château s'était éprise d'un des prisonniers, pour le libérer, elle avertit les Bourguignons de se tenir prêts, déroba les clés de la ville que la Hire gardait dans sa chambre, en profitant de son sommeil, et ouvrit les portes. Averti par le bruit de l'assaut, La Hire tenta de repousser les assaillants en contre-attaquant presque seul, mais, forcé de battre en retraite, il fit égorger ses prisonniers. 

En 1419 il s'empare de Crépy, du Crotoy, mais il en est chassé par Philippe le Bon en janvier 1420. Il opère alors plus à l'est, et ravage la Lorraine : il y était venu avec le capitaine Jean Raoulet pour soutenir René d'Anjou, héritier du duc Charles de Lorraine, attaqué par le duc de Bourgogne (c'est le moment, semble-t-il, où la famille de Jeanne se replie sur Neufchâteau). 

Mais en 1422 Charles de Lorraine change d'alliance et se rallie au duc de Bourgogne et au roi d'Angleterre, La Hire et Raoulet brûlent alors 18 villages à une soixantaine de kilomètres de Domremy. A Sermaize, le mari de la cousine germaine de Jeanne d'Arc est raflé par les Bourguignons pour combler les douves d’une place forte prise par les Français. Il est tué d'un coup de couleuvrine par un homme de La Hire. Ce dernier est ensuite repoussé à Saint-Dizier. Il opère alors à partir de Compiègne. Capturé, il paye rançon. 

En 1423, il attaque Châlons-sur-Marne. 

En 1424, il évacue Vitry-le-François, ravage les marches du Luxembourg (Longwy, Flassigny, Verdun, Sedan). Puis se retire en direction du Maine. En 1426 il est nommé écuyer d'écurie de Charles VII, c'est à dire qu'il est désormais recruté à titre permanent comme subordonné des maréchaux de France, eux-mêmes adjoints au connétable. 

Il est mentionné en 1427 à la "rescousse de Montargis" : il y assure la reconnaissance des forces anglaises pour le compte du Bâtard d'Orléans avec 60 lances, dont le sgr de Graville, Brangonnet d'Arpajon, Saulton de Mercadieu. Avant l'assaut, il avise un chapelain à qui il demande de lui donner l'absolution en vitesse, car il n'a pas de temps à perdre, et en guise de confession lui dit qu'il a fait "ce que les gens de guerre ont accoutumé à faire", ce qui n'est pas peu dire. 

En manière de prière, La Hire dit alors : 
"Dieu, je te prie que tu fasses aujourd'hui pour La Hire autant que tu voudrais que La Hire fit pour toi, s'il était Dieu et que tu fusses La Hire". 

L'attaque, vigoureusement menée, est une victoire, dont le mérite est attribué à La Hire. Au cours du combat, Saulton de Mercadieu fut frappé d'une lance qui lui traversa la bouche. Il la retira lui-même et poursuit la lutte. 

En 1428, avec d'autres capitaines : Beaumanoir, d'Orval, de Bueil, Roberton des Croix, La Hire attaque et prend Le Mans, mais en est chassé par Talbot. Il arrive à Orléans le lundi qui suit la prise des Tourelles par les Anglais, soit le 25 octobre. Il participe à la Bataille des Harengs. 

En 1429 il est présent lors de l'arrivée de Jeanne, commande la seconde armée de secours entre Blois et Orléans, et lors de la levée du siège, passant outre les désirs de Jeanne, il poursuit les Anglais en retraite jusqu'à Beaugency, les obligeant à abandonner leurs prisonniers et leur artillerie. Le 18 juin, à Patay, il commande l'avant-garde avec Xaintrailles et Boussac, où ils bousculent, avec 180 hommes, toute l'armée anglaise forte de 3.000 à 4.000 combattants. Puis il participe à toute la campagne du sacre. 

En 1431, il s'empare de Louviers, à quelques kilomètres de Rouen, et y reste pendant toute la durée du procès de Jeanne. Il est possible qu'il ait mis sur pieds à ce moment-là un plan d'attaque du château de Rouen, car en 1432 un certain Ricarville réussit effectivement à s'emparer du château du Bouvreuil, mais ne réussit pas à en ressortir. Au lendemain de la mort de Jeanne d'Arc, les Anglais battent La Hire à la bataille du Berger, ainsi appelée parce qu'un berger, remplaçant de Jeanne d'Arc, y fut pris et noyé par les Anglais. La Hire fut envoyé en prison à Dourdan, dont il s'évada quelque temps plus tard, peut-être avec la complicité même de son geôlier, Jean de Mazis. 

De 1433 à 1435 il fut nommé capitaine de Beauvais, et en 1435, à Gerberoy, il coince et défait en bataille rangée le comte d'Arundel, qui mourra peu après de ses blessures. Fait seigneur de Montmorillon en janvier 1436, il épouse Marguerite de Droisy, dont il n'aura pas d'enfant. 

Il meurt le 11 janvier 1443 à Montauban,

______________________________

Au XVIIe siècle, La Hire devient le nom donné au valet de cœur dans les jeux de cartes.
______________________________



jeudi 5 janvier 2023

L'attentat de Damiens

 

5 janvier 1757 – Le roi est poignardé

Depuis Ravaillac, en 1610, aucun individu n’avait osé attenter à la personne sacrée du Roi. En 1757, alors que Louis XV sort du Château, un homme se précipite et lui porte un coup au flanc. Il s’appelle Robert-François Damiens.

L'attaque de Damiens alors que Louis XV
monte dans son carrosse
En ce 5 janvier 1757, alors que la cour est au Grand Trianon, plus facile à chauffer que Versailles, Louis XV rend visite à sa fille Victoire, alitée au Château de Versailles. Un carrosse attend le roi Louis XV dans le passage couvert qui va de la cour royale au parterre nord.

Vers 18h00, le souverain descend son escalier intérieur et traverse la salle des gardes du corps. Il est accompagné du Dauphin, du capitaine des Gardes du roi, des Grand et Petit écuyers et du colonel des Gardes suisses. Il fait nuit. Au sortir de la pièce, éclairée par des torches, alors qu’il s’apprête à monter dans son carrosse, le roi est assailli par un individu, qui ayant fendu la haie des gardes, le frappe violemment. L’agresseur est rapidement maîtrisé et remis au capitaine des gardes. C’est alors que Louis XV crie "Qu'on l'arrête et qu'on ne le tue pas !".

Portant la main au côté droit, le roi pense qu’on lui a donné un coup de coude ou de poing, selon les sources. Mais sa main est ensanglantée. Le un canif à lame de 8 cm a pénétré entre la 4e et 5e côte. Le premier chirurgien, La Martinière, sonde la blessure mais celle-ci se révèle heureusement superficielle. Les nombreuses couches de vêtement, nécessaires à cause de l'hiver, ont amorti la plus grande force du coup, et aucun organe vital n’est touché.

On transporte Louis XV dans sa chambre. Il saigne abondamment. Choqué, il finit par s’évanouir. Revenu à lui, il croit qu’il va mourir. Il réclame un prêtre, confie le royaume au Dauphin et demande pardon à la reine des peines qu’il lui a infligées.

Portrait (supposé) de Robert-François Damiens
Le coupable est un domestique originaire d'Arras. Robert-François Damiens a 42 ans et a servi plusieurs conseillers au Parlement, très critiques envers le roi et la marquise de Pompadour. Ces critiques régulières sont montées à la tête de Damiens, au caractère influençable et exalté.

Arrêté, celui-ci est soumis au supplice. On veut savoir s’il a des complices. Il ne dit rien. Il dénonce quelques parlementaires comme complices, puis se rétracte. Il dit seulement : "Si je n’étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n’eusse servi que des gens d’épée, je ne serais pas ici.".

Le Parlement, ne voulant pas être mis en cause, exige un procès, et Louis XV, qui avait accordé son pardon au laquais, accepte finalement qu’il soit jugé. Transporté à la Conciergerie, comme Ravaillac, son procès a lieu du 12 février au 26 mars. Lors de son procès il justifie ainsi son geste : "Je n’ai pas eu l’intention de tuer le roi, je l’aurais tué si j’avais voulu. Je ne l’ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi et le porter à remettre toutes choses en place et la tranquillité dans ses États ". 

Une fois la sentence prononcée, lors du procès, Damiens aurait eu cette phrase laconique, restée célèbre "la journée sera rude".

Gravure du supplice de Damiens,
le 28 mars 1757 en place de Grève
Damiens s’est rendu coupable du crime suprême : celui de "parricide commis sur la personne du roi" et donc de lèse-majesté, il est condamné au châtiment des régicides. Le 28 Mars, il est conduit, nu, à la Place de Grève, puis, sur un échafaud, il est tenaillé aux mamelles, bras, jambes, sa main droite tenant le couteau parricide, brûlée au feu de soufre. Sur les endroits où il est tenaillé, on jette du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante. Ensuite, c’est l’écartèlement, son corps tiré et démembré par quatre chevaux… puis c’est le bucher, son corps est brûlé et les cendres jetées dans la Seine.

Depuis le début, le roi sait qu’il s’agit d’un acte isolé. Quoique remis de sa blessure au bout de huit jours, il est toujours commotionné. L’attentat a laissé des séquelles. Devant l’émoi général, Louis XV entend changer d’attitude. Il veut regagner la confiance de ses sujets, renoncer à ses maîtresses et préparer le Dauphin à sa succession. Sages décisions... qui ne dureront qu’un temps : Mme de Pompadour, un temps inquiétée, reprend bien vite sa place et règnera sur l’esprit du roi jusqu’à sa mort en 1764. Louis XV lui survit dix ans, aussi mal aimé qu’il fut le "Bien-Aimé"… 

**** 

Qui était Robert-François Damiens ? 

Robert-François Damiens est né le 9 janvier 1715 rue d’Allongeville (actuelle rue du Calvaire) à La Thieuloye (Pas-de-Calais), qui était alors un hameau de Monchy-Breton. Son père Pierre-Joseph Damiens, simple ménager, épouse Marie-Catherine Guillemant en 1710. 

À cette époque, l’Artois est traversé par les guerres, la famine et une épidémie de peste qui fait des ravages. Sa famille est pauvre et Voltaire décrira Damiens comme "un gueux du pays de l’Atrébatie"*. 

Robert-François est le troisième des dix enfants du couple. Sa mère meurt en couches en 1729 laissant six enfants vivants. 

Robert-François est placé chez un grand-oncle maternel cabaretier et marchand de grain à Béthune. Là, il apprend à lire et à écrire. 

À seize ans, il est placé en apprentissage comme garçon de cuisine à l’abbaye Saint-Vaast. Plus tard, il entre comme valet de réfectoire au collège jésuite Louis-le-Grand à Paris. 

C’est dans cette ville qu’il épouse en 1739 Élisabeth Molerienne, domestique elle aussi. Ensemble ils ont deux enfants, dont un fils qui meurt en bas âge. 

Damiens multiplie alors les emplois de domestique et côtoie les milieux privilégiés et les magistrats parisiens. Valet chez certains conseillers du Parlement de Paris, il entend récriminations et critiques parfois virulentes contre le roi. 

En 1756, sous le pseudonyme de Flamand, il commet un vol chez l’un de ses maîtres. Le vol domestique est alors passible de la peine de mort par pendaison. 

Damiens fuit en Artois où il retrouve sa famille qui vit dans le dénuement. La situation en Artois au cours de cet hiver 1756-1757 est difficile. Le prix du blé s’est envolé et le peuple est misérable. 

Il revient à Paris en janvier 1757 et conçoit le dessein de "toucher" le roi, pour attirer son attention et lui faire entendre la voix du peuple méprisé. 

Le 5 janvier, Louis XV se rend à Versailles : Damiens se fraye un chemin jusqu’au roi qui rejoint son carrosse, … 


Sources : Château de Versailles, Archives du Pas-de-Calais

_____________________________

* Atrébatie : ancienne communauté de communes française, située dans le département du Pas-de-Calais et de la région Nord-Pas-de-Calais, arrondissement d’Arras, devenue communauté de communes des Campagnes de l’Artois depuis le 1er janvier 2017. 

_____________________________