dimanche 25 février 2024

Révolte de la Harelle


24-25-26 février 1382 - "Haro ! Haro ! ..."


En 1382, la Harelle de Rouen coïncide avec les soulèvements populaires à travers le royaume : Paris (les Maillotins), la Flandre, le Midi languedocien (les Tuchins)… contre le rétablissement de l’impôt.

Rouen : la révolte de la Harelle

Ça s'est passé il y a 642 ans.

Dans la seconde moitié du XIVe siècle, la ville de Rouen est secouée par diverses révoltes. La fiscalité est au cœur de ces soulèvements populaires. Cependant, ces grandes périodes de crise ne concernent pas uniquement le fait normand ; elles font écho aux troubles politiques de la royauté. En 1382, la harelle de Rouen coïncide avec les soulèvements populaires à travers le royaume : Paris, la Flandre, le Midi languedocien… contre le rétablissement de l’impôt.

La Harelle de 1382 est directement lié à la fiscalité du pays.

Sur son lit de mort, Charles V avait ordonné la suppression des fouages, un impôt payé par feu (foyer). Cependant, le royaume a besoin d’argent. Peu après son accession au trône, Charles VI lève de nouveaux impôts. Les Etats de Normandie se réunissent le 17 février 1381 et votent une aide par feu d’un à six blancs par semaine, ce pendant un an et selon la fortune du foyer. Le 27 mars de cette même année, sont nommés des généraux gouverneurs afin de veiller à la bonne perception des impôts. Cette nouvelle levée d’impôts fut, évidemment, mal accueillie.

Début janvier 1382, les généraux gouverneurs convoquent à Rouen Béranger Loutrel, receveur des aides, afin de s’entendre sur une nouvelle augmentation des taxes. Dès le mois de février 1382, les officiers imposent une taxe plus élevée aux habitants du pays.

A Rouen, la révolte éclate immédiatement en réponse à cette nouvelle augmentation des taxes. Au début de cette révolte, le désordre est grand et les événements sont quelque peu confus. Pendant trois jours, Rouen vit dans un univers clos. Selon Pierre Cochon, l’émotion fut le fait "de merdalle comme de dignans, drapiers et gens de pour estoffle" mais il accuse aussi "auncunz gros marchands et vinetiers" qui "couvertement les soustenaient" (Chronique de Pierre Cochon). Pendant trois jours, les portes furent fermées, les cloches cessèrent de sonner, sauf celle du beffroi de la Commune, et on délivra les prisonniers de toutes les prisons. Les émeutiers s’en prirent aux anciens maires de la ville. La maison de Guérout de Maromme, est vandalisée.

Les cloches, qui avaient sonné le tocsin, sont descendues...

Dans la nuit du 24 au 25, il y eut d’autres scènes de pillage et de violences contre des prêtres, des Juifs ou des prêteurs à gages (Malgré leur expulsion du royaume en 1306 par Philippe IV le Bel). L’aspect social de l’émeute est alors évident. Elle renvoie aux événements de la fin du XIIIe-début XIVe siècle. Les émeutiers ont bien oublié le fisc ! Devant la "fureur d’icelle merdalle", les riches bourgeois de la ville ont cherché refuge dans les différents couvents.

Le 25 février, les dirigeants de Rouen, qui avaient cédé à la panique, songent désormais à résister. Dès lors, des gardes sont placés à chaque endroit où les émeutiers sont susceptibles de se réunir. Les dirigeants de la ville songent ensuite à tirer profit de cette agitation en se tournant contre les établissements religieux. On s’attaque au chapitre cathédral en lui faisant renoncer à la rente annuelle des 400 livres qu’il percevait sur les halles et moulins de la ville. L’abbé de Saint-Ouen doit abandonner ses droits de baronnerie et de justice dans Rouen et sa banlieue. Toutes ces renonciations sont dressées dans un acte solennel et on brûle les actes authentiques.

Le 26, au cimetière Saint-Ouen, on fit lecture de l’acte fondamental qu’était la "Charte aux Normands" (accordée par Louis X, en 1315). La révolte se calme subitement et les dirigeants de la ville, inquiets, envoyèrent une délégation au roi, composée de clercs, de bourgeois et du maréchal de Blainville afin de le faire céder. On répondit : "il iroit à Rouen et saroit qui avoit mengié le lart " (Chronique de Pierre Cochon)

Après avoir maté la révolte parisienne, Charles VI entre dans Rouen le 29 mars avec une armée, casque en têtes et épées nues. Certains émeutiers avaient été exécutés avant l’arrivée du roi, les armes des bourgeois et les chaînes qui barraient les rues avaient été portées au château : le roi entre alors dans une ville conquise.

La principale sanction fut la suppression de la Commune, de son administration et de ses privilèges. L’impôt contesté fut levé et s’y ajouta une aide de huit deniers par livre sur les denrées et marchandises. Le 5 avril, veille de Pâques, le roi rendit armes et chaînes et pardonna des civiles et criminelles. Seuls en sont exclus ceux qui se sont enfuis ou qui sont prisonniers. Cependant, le roi ne rendit pas la Commune.

A noter : À peine cinq mois plus tard, le 1er août 1382, une seconde Harelle éclata, et comme la précédente, pour cause fiscale, lorsque les collecteurs des aides installent leurs buffets à la halle aux draps, drapiers et bouchers, ainsi que des habitants de la ville et des faubourgs, se rassemblent, renversent les buffets et forcent les receveurs à s’enfuir. Mais le capitaine de Rouen, Guillaume de Bellengues, avait pris ses précautions et la révolte tourna court. Et puis on ne discute pas les levées de taxes qui doivent financer la guerre. Une guerre qui débute en Flandre, pour réprimer une autre révolte antifiscale, celle des tisserands de Gand.


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Sources : Article partiellement ou en totalité issu de Wikimédia et du texte d'Alain Dadourny "Les émeutes fiscales à Rouen dans la seconde moitié du XIVe siècle".
Pour les curieux : de Boris Bove, "1328-1453, le temps de la guerre de Cent Ans". Collection Folio Histoire de France n° 299.

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