mercredi 30 janvier 2019

Jules Grévy, Président

 

30 janvier 1879 - Le "Président sagesse"


Jules Grévy (1807-1891)
Président de la République de 1879 à 1887
Le président Patrice de Mac-Mahon, ne bénéficiant plus d'aucun soutien de la part des deux chambres du parlement à la suite des élections sénatoriales remportées par les républicains le 5 janvier 1879, préfère démissionner après avoir refusé de signer la destitution de certains généraux.

Le 30 janvier, les parlementaires de la Chambre des députés et du Sénat, se réunissent en Congrès, (collège de grands électeurs) à Versailles. Président de la Chambre des députés et candidat malheureux en 1873, Jules Grévy (71 ans), républicain modéré, partit dès la réunion des deux chambres comme le grand favori. Il décida de poser sa candidature et après huit heures de débat, fut élu à la présidence de la République avec une très grande majorité de suffrages. Son opposant le plus sérieux, le militaire Alfred Chanzy, rassembla une centaine de suffrages.

Le populaire et remuant député Léon Gambetta, candidat malheureux, arrivé troisième derrière Chanzy, lui succéda au "perchoir ".

Après un bonapartiste en la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, un bourgeois conservateur et monarchiste opportuniste avec Adolphe Thiers et un monarchiste convaincu avec Patrice de Mac-Mahon, arrivait à la tête de l’Etat un homme aux convictions républicaines : Jules Grévy !

Originaire d’une famille modeste du Jura, il commence sa vie professionnelle par une solide carrière d’avocats à Paris. Sa carrière politique débute avec la révolution de 1848. Elu commissaire de la République pour le département du Jura, il résume à la fois sa position et sa détermination dans la formule " Je ne veux pas que la république fasse peur ".

Il se rend célèbre, lors des débats relatifs à l'élaboration de la Constitution, par son opposition à l'élection du président de la République au suffrage universel. Mais "l'amendement Grévy" est repoussé.

Défenseur de la liberté de la presse, il fait un court séjour en prison suite au coup d’Etat de 1852, mais réintègre le Corps législatif en 1868 où il siège dans l’opposition. Hostile à la déclaration de guerre à l’Allemagne en 1870, il se range après la défaite parmi les républicains modérés. Il est député à l’Assemblée nationale réfugiée à Bordeaux en février 1871, il en prend la présidence en 1876 mais doit en démissionner en 1873 lors du vote sur le septennat en déclarant : " en réalité vous voulez la monarchie et vous ne parvenez pas à la faire. Vous pouvez faire la république et vous ne la voulez pas. Voilà pourquoi vous ne voulez point sortir du provisoire pour rentrer dans le définitif. "

Elu président Jules Grévy fera un mandat apaisant rassurant aussi bien la droite que la gauche, renonçant de lui-même en 1879 à son droit de dissolution, organisant peu de réceptions leur préférant des soirées en famille. Homme de l’ombre, Jules Grévy gouverna discrètement malgré son autoritarisme, en évitant de confier la présidence du conseil à des personnalités trop affirmées. Il repoussa ainsi jusqu’à qu’il n’ait plus le choix d’appeler au pouvoir Gambetta qu’il détestait. Ce faisant il empêcha l’instauration d’un véritable régime parlementaire en donnant leur chance à des personnalités de second plan aux majorités fragiles.

Sous ses deux mandats (de 1879 et réélu en 1885), des lois fondatrices seront promulguées et des symboles seront érigés pour marquer la pérennité du régime républicain. Ainsi, la Marseillaise est adoptée comme hymne national le 15 février 1879. Sous le même gouvernement Gambetta, les communards sont amnistiés en juillet 1880. A partir de cette année 1880, le 14 juillet est officiellement célébré comme fête nationale. Le 29 juillet 1881 est promulguée la loi sur la liberté de la presse. Le 28 mars 1882, sous le gouvernement Ferry, la loi sur l’enseignement obligatoire et la laïcité de l’enseignement voit le jour le 29 mars 1882, pour ne citer que les lois les plus symboliques, au fondement de la République française. En 1885, on ouvre les portes du Panthéon à Victor Hugo.

Suite à l'engagement du pays avec Savorgnan de Brazza et d'autres dans les aventures coloniales au nom de la " mission civilisatrice " de la France, le camp républicain se divise. Georges Clemenceau, chef de file de la "gauche radicale", s'oppose aux "républicains opportunistes" en dénonçant les conquêtes coloniales qui font selon lui le jeu de l'Allemagne. Jules Ferry est contraint à la démission l'année suivante.

La montée du nationalisme porté par le Général Boulanger, et surtout le scandale provoqué par "l’affaire des décorations" organisées par son gendre Daniel Wilson contribuent à affaiblir sa présidence.

Réélu en décembre 1885, Jules Grévy présente sa démission avant le terme de son second septennat, le 2 décembre 1887.

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- "En quittant le pouvoir, j’ai la consolation de penser que, durant les cinquante-trois années que j’ai consacrées au service de mon pays, comme soldat et comme citoyen, je n’ai jamais été guidé par d’autres sentiments que ceux de l’honneur et du devoir, et par un dévouement absolu à la patrie."
Extrait de la lettre de démission de Jules Grévy

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mardi 29 janvier 2019

Naissance d'une Académie

 

29 janvier 1635 - Conrart avant Richelieu ?


Richelieu entend mettre la littérature et la langue sous contrôle, et prendre jusqu’à la direction des belles-lettres.

Depuis déjà 1629, Valentin Conrart, protestant calviniste, conseiller du roi Louis XIII, l'un des habitué de l'Hôtel de Rambouillet (le salon littéraire tenu par la marquise du même nom), recevait chez lui, au 135 de la rue Saint-Martin, une fois par semaine quelques particuliers désireux de s'entretenir de leurs études de prédilection. Ces hommes, des grammairiens et des lettrés, débattaient sur des questions de langue, et se lisaient entre eux les travaux manuscrits qu'ils avaient l'intention de publier. Leur société, le "cercle Conrart", dont l'existence était en théorie secrète, s'accrue peu à peu de nouveaux membres et commençait à prendre de l'importance. En plus des membres fondateurs tels que Valentin Conrart, Jean Chapelain et Jean-Louis Guez de Balzac, on côtoyait dans le salon de la rue Saint-Martin, Antoine Godeau, Jean Ogier de Gombauld, Philippe Habert, Claude Malleville, François Le Métel de BValentin Conrartoisrobert, Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Nicolas Faret, Paul Pellisson.

En 1633, François Le Métel de Boisrobert, membre du cercle et secrétaire de Richelieu informa le cardinal de l'existence de ces réunions. Très vite, ce dernier s'intéressa aux activités de cette compagnie d'intellectuels, dont il entrevoie les prémices de son projet pour créer son "académie". Il proposa aux membres de leur offrir sa protection et de l'organiser en un corps officiel. Hésitants, les hôtes de Conrart auraient préférés continuer de se rassembler librement comme ils le faisaient depuis plusieurs année. Mais comment refuser un si prestigieux patronage auquel certains d'entre eux souscrivaient déjà en privé?

Ils cédèrent aux désirs du puissant cardinal et  quittèrent le mode des entretiens familiers et informels pour s'organiser de manière régulière, à l'instar des académies déjà existantes en Italie, à Florence notamment, avec la  "Accadémia fiorantina" et la "Accadémia del désigno" placées sous la protection de Cosme de Médicis.

Conrart fut tout désigné pour en dresser les lettres patentes. Seules contraintes du cardinal : "que les statuts soient soumis à son approbation, que le nombre des membres soit porté à quarante et que le choix indépendant de la naissance, de la fortune et de la situation acquise ne prenne que le talent en considération". La rédaction et la première lecture furent faite, autour de vingt-sept membres, lors de la réunion du 13 mars 1634.

Le 22 mars, un projet, soumis à l'agrément du cardinal, proposa au cercle l'appellation d'Académie française. Le projet approuvé, l'Académie française était fondée. Le garde des Sceaux, Pierre Séguier, duc de Villemoze, scella les lettres patentes justifiant la constitution de l’Académie le 4 décembre 1634. Elle sera définitivement officialisée par la signature de Louis XIII au bas des parchemins, le 29 janvier 1635, date retenue comme la naissance officielle de l'Académie. Le parlement de Paris n'enregistrera "l'acte de naissance" que le 31 juillet 1637.

Treize nouveaux membres, appelés " académistes " puis " académiciens " à partir de février 1635, sont admis à siéger avec le groupe initial dont Richelieu est devenu le père protecteur. Leur mission première : "se préoccuper de la pureté de la langue et la rendre capable de la plus haute éloquence". Conrart en est le premier secrétaire et, malgré son attachement inébranlable à la religion protestante, Richelieu le maintient dans cette fonction jusqu'à sa mort.

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La composition de l'Académie au 13 mars 1634 ne comprenait que 27 "académistes" dont : Valentin Conrart - F2, Jean Desmarets de Saint-Sorlin - F4, Jean Ogier de Gombauld - F5, François Le Métel de Boisrobert - F6<, Jean Chapelain - F7, Claude Malleville - F8, Antoine Godeau - F10, Philippe Habert - F11, Jean-Louis Guez de Balzac - F28

Surnommés « les Immortels », les académiciens doivent ce surnom à leur devise « A l’Immortalité ». Celle-ci figure sur le sceau donné à l’Académie par le cardinal de Richelieu, et vise à l'origine la langue française et non les académiciens. Rapidement, cette notion s'est étendue aux académiciens pour leur gloire posthume.

A la mort de Richelieu en 1642, Les « Immortels » choisissent le chancelier Séguier (qui avait scellé les lettres patentes le 4 décembre 1634) comme père protecteur. Mazarin ne parlait pas assez bien le français! A la mort de Séguier, le nouveau père protecteur est le roi Louis XIV. Dès lors le titre appartiendra à tous les rois ou chefs d’État.

Pour les curieux : http://academie-francaise.fr/

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lundi 28 janvier 2019

Le Bal des ardents

 

28 janvier 1393 - "Charivari" tragique à l'Hôtel de la Reine-Blanche


Bal des ardents (détail)
Miniature d'Antoine de Bourgogne
Chroniques de Jean Froissart
C'est au cœur de l'été 1392 que Charles VI a sombré dans la folie. En août et septembre, il a reçu les soins du célèbre médecin maître Guillaume d'Harcigny. Se pliant sans rechigner au traitement prescrit, il a peu à peu recouvré ses esprits et fait de réels progrès. Libéré de ses obligations puisque le roi va mieux, maître Guillaume a laissé des instructions : son patient a besoin de calme, "qu'on se garde de le courroucer et mélancolier car encore il n'est pas bien ferme dans tous ses esprits ". Il a préconisé d'éviter l'agitation de la Cour, a prescrit chasse et recueillement. Quelque temps, Charles VI a vécu à l'écart de la capitale. Mais, l'hiver venu, il a regagné Paris et s'est replongé dans le tourbillon des fêtes et des cérémonies.

En ce matin du 28 janvier 1393, Catherine de Fastavarin est heureuse. Confidente de la reine Isabeau de Bavière et d'origine allemande comme elle (d'où son surnom de Catherine l'Allemande), elle va se marier, ou plutôt se remarier pour la troisième fois, ses deux premiers maris étant morts prématurément. Son nouvel époux est un chevalier de Vermandois, de fort bonne maison. Comme tous deux appartiennent à son service et à celui de la reine, le roi Charles VI veut que le mariage ait lieu à l'hôtel Saint-Pol, la demeure royale, située sur les bords de la Seine.

La journée se déroule gaiement en fêtes et banquets. Toute la cour a été invitée, par la reine, aux festivités qui se poursuivent le soir par un bal organisé à l'hôtel de la Reine-Blanche (*), faubourg Saint-Marcel, où la cour dispose d'hôtels de plaisance appelés « séjours ».

A l'occasion d'un remariage, comme dans le cas de Catherine de Fastavarin, il est de coutume d'organiser des mascarades ou charivari, caractérisés par « toutes sortes de frivolités, déguisements, désordres et jeux d'instruments bruyants et dissonants accompagnés de claquements de cymbales ».

Les nobles les plus proches du roi, les ducs d'Orléans, du Berry et de Bourgogne sont présents à l'événement. Après la présentation des musiciens, ceux-ci commencent à jouer. Les convives se mettent à danser au son des trompettes, des chalumeaux et d'autres instruments de musique. Ainsi débute le charivari.

Le roi s'amuse. Sur une idée de Hugonin de Guisay, le roi et cinq autres de ses compagnons (De Guisay, Jean III comte de Joigny, Yvain de Foix, le bâtard de Gaston, Ogier de Nantouillet et Charles de Poitiers) décident d'animer la fête en se déguisant en satyres ou " sauvages ". Des costumes en lin sont cousus directement sur eux, puis enduits de poix recouverte de plumes et de poils d'étoupe, dans le but d'apparaître " poilus et velus du chef jusques à la plante du pied ". Des masques composés des mêmes matériaux sont placés sur leurs visages pour dissimuler leur identité à l'assistance. Ils se lient ensuite les uns aux autres au moyen de chaînes. Seul le roi n'est pas attaché, ce qui lui sauvera sans doute la vie. Des ordres stricts interdisent en outre que les torches de la salle soient allumées, et que quiconque y pénètre pendant les danses, afin de minimiser le risque que ces costumes fortement inflammables ne prennent feu.

A ce moment le duc d'Orléans, frère du roi, arrive par la suite accompagné de quatre chevaliers munis de six torches, sans avoir eu vent de la consigne royale. Il est ivre pour avoir passé une partie de la soirée dans une taverne avec le duc de Bar. La noce bat son plein lorsque les lumières s'éteignent et que les six satyres se glissent au milieu des invités, gestuelles et cris à l'appui. D'abord surpris, les invités se prennent au jeu. Les six hommes hurlaient comme des loups, lançant des obscénités à la foule et invitant l'audience à tenter de deviner leur identité dans une « frénésie diabolique ». Intrigué par les danses de ces étranges sauvages, le frère du roi s'empare d'une torche pour mieux voir qui se cache sous les masques. Mais le duc d'Orléans s'approche trop près des déguisements et les costumes en lin prennent feu immédiatement alors que les fêtards ne peuvent se dépêtrer à cause de leurs chaînes.

Lorsqu'elle se rend compte que le roi figure parmi les satyres, la reine Isabeau s'évanouit. Le roi ne doit son salut qu'à la présence d'esprit de sa tante Jeanne de Boulogne, duchesse de Berry, alors âgée de quatorze ans, qui l'enveloppe immédiatement de sa robe et de ses jupons pour étouffer les flammes. Le sire Ogier de Nantouillet réussit à se libérer de sa chaîne et se jette dans un cuvier servant à rincer les tasses et les gobelets. Yvain de Foix, quant à lui, tente d'atteindre la porte où deux valets l'attendent avec un linge mouillé, mais transformé en torche vivante, il n'y parvient pas. La scène vire rapidement au chaos, alors que les compagnons hurlant de douleur dans leurs costumes, et que certains membres de l'assistance, également victimes de brûlures, tentent de secourir les infortunés. Seuls deux danseurs survivent à la tragédie: le roi et Ogier de Nantouillet, tandis que le comte de Joigny meurt sur place, et qu'Yvain de Foix et Charles de Poitiers agonisent de leurs brûlures durant deux jours. L'instigateur de la mascarade, Hugonin de Guisay, survivra un jour de plus, " en maudissant et insultant ses camarades, les morts comme les vivants jusqu'à son dernier souffle ".

Le lendemain, la nouvelle fait le tour de Paris et la foule se dresse devant l'hôtel Saint-Pol, où réside le roi. Les gens ne comprennent pas que l'on ait permis à ce roi, à l'esprit déjà fragile, une telle mascarade. La rumeur veut en outre que ce soit après avoir rencontré un "homme fou", vêtu tel un sauvage, que le roi eut son premier coup de folie l'année précédente, et tua quatre de ses compagnons, dans la forêt du Mans. N'est-ce pas là une étrange coïncidence? Et puis, le roi est-il sain et sauf?
Chacun pense aux troubles que pourrait entraîner sa disparition. Alors on crie, on appelle, on demande à le voir. les oncles du roi le convainquent de se rendre à Notre-Dame de Paris pour se montrer au peuple, et faire pénitence en leur compagnie. Très touché, il remercie ses sujets de l'attention qu'ils lui portent.

Le duc d'Orléans, présenté comme le principal responsable de la catastrophe, donne quant à lui des fonds pour construire une chapelle à l'église des Célestins. Une messe pour le repos des quatre âmes y est alors dite quotidiennement.

Quelques jours après le drame, Charles VI publie une ordonnance par laquelle il confie la régence à son "cher et très aimé frère Louis duc d'Orléans, comte de Valois et de Beaumont, tant pour le bien, sens et vaillance de lui comme pour la très singulière, parfaite loyale et vraie amour qu'il a toujours eue à nous et à nos enfants". Ce dernier étant jugé trop jeune pour assumer la charge du gouvernement, les rênes du royaume échoient à ses oncles les ducs Jean de Berry et Philippe le Hardi. Charles VI n'a pas encore vingt cinq ans et, comme le remarque le connétable de Clisson, il y a trois rois en France.



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(*) - Sur le lieu où s'est déroulé le bal des ardents, les chroniqueurs ne s'accordent pas. Froissart le situe à l'hôtel de Saint Pol, à l'angle de l'actuelle rue Saint Paul et du quai des Célestins. Un autre auteur le place au petit " séjour d'Orléans ", aux numéros 11 à 21 de la rue Daubenton. Quant à Juvénal des Ursins, il prétend que c'est à l'hôtel de la Reine Blanche, une bâtisse qui existe toujours, aux numéros 17 et 19 de la rue des Gobelins. Cette dernière hypothèse est aujourd'hui le plus couramment admise. Après le tragique événement, l'hôtel de la Reine Blanche aurait été rasé. Il semble que seule la salle de bal, théâtre du drame, aurait disparu, au tout début du XVème siècle. Quelques décennies plus tard, l'édifice aurait été reconstruit par la famille Gobelin et restauré.

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Mort de Charlemagne

 

28 janvier 814 - Charles 1er le Grand est mort


Statue équestre de Charlemagne, 
Louis Jehotte 1867, boulevard d'Avroy, à Liège
En 806, il a organisé sa succession et partagé ses domaines entre Charles le Jeune, Louis et Pépin. Le 11 septembre 813, se sentant faiblir, il a jugé bon de faire couronner le futur Louis 1er le Pieux, seul survivant de ses trois fils. Pépin d'Italie est mort depuis 810, et son frère Charles depuis 811. A plus de 70 ans, et en dépit d'une santé chancelante, le vieux souverain ne change rien à ses habitudes et continue de gouverner son immense empire. "Malgré son âge, il partit, comme d'ordinaire, à la chasse aux environs de son palais d'Aix, employa ainsi la fin de l'automne, pour rentrer vers les calandres de novembre", raconte Eginhard, son biographe.

Le 22 janvier 814, en sortant du bain, Charlemagne est pris par un violent accès de fièvre. "Il dut s'aliter. Tout de suite, comme il le faisait habituellement en cas de fièvre, il se mit à la diète, pensant pouvoir ainsi écarter la maladie ou tout du moins l'atténuer. Mais la fièvre se compliqua d'une douleur de côté", note Eginhard. Souffrant de pleurésie (ou d'une pneumonie aiguë?), l'Empereur convoque son archichapelain, l'archevêque de Cologne Hildebald, et se fait administrer les derniers sacrements. Le 28 janvier, "à la troisième heure du jour", Charlemagne se signe et prononce dans un souffle les paroles rituelles : "Seigneur, je mets mon âme entre tes mains…". Peu après il ferme les yeux, et s'éteint à près de 72 ans, après avoir régné pendant pratiquement 46 années.

Charlemagne n'a laissé aucune indication concernant ses funérailles. Revêtu des ornements royaux et portant une croix d'or autour du cou, le défunt est déposé dans un sarcophage antique de marbre blanc, orné d'une sculpture représentant l'enlèvement de Proserpine par Pluton, puis porté à la chapelle palatine, "au milieu de la désolation du peuple entier ". Il ne peut y avoir meilleure sépulture que cette basilique d'Aix la Chapelle que l'Empereur a fait édifier. C'est là, dans la crypte, que, le jour même, le vieux souverain est enseveli. La cérémonie, très sobre, se déroule conformément aux prescriptions du nouveau sacramentaire, qui stipule que les grands comme les humbles doivent être enterrés selon un rituel identique.

Un mois plus tard, Louis 1er le Pieux fait dresser sur le tombeau de son père, un arc doré, portant l'effigie de l'Empereur et l'inscription : " Sous cette pierre repose le corps de Charles, grand et orthodoxe Empereur, qui noblement accrut le royaume des Francs et le gouverna heureusement pendant quarante six années. Mort septuagénaire l'an du Seigneur 814 ". Aujourd'hui, la sépulture de Charlemagne n'existe plus. Elle a disparu lors des invasions normandes et, depuis, nul n'a pu retrouver son emplacement.

La mort de Charlemagne plonge l'Empire tout entier dans une grande stupeur. Les nombreux hommages rendus par les historiens, les chroniqueurs et même les poètes, insistent sur le caractère universel du deuil qui affecte les peuples d'Occident. "Hélas! Depuis les lieux où le soleil se lève jusqu'au couchant, une même plainte s'échappe de toutes les bouches… Les Francs, les Romains et tous les croyants sont plongés dans le deuil… Le glorieux Empereur Charles est maintenant sous la terre, enseveli dans son tombeau…", souligne ainsi un chroniqueur anonyme. "Des régions où naît le soleil jusqu'aux rives occidentales de la mer… pleure l'Italie, s'attristent les Francs, pleurent l'Aquitaine et également la Germanie…", renchérit un moine de l'abbaye italienne de Bobbio. 

Quelques années plus tard, l'historien Nithard, l'un des petits-fils de Charlemagne, saluera en son grand-père celui qui "laissa l'Europe entière remplie de félicité ". Et c'est sans doute cette Europe, dont il a su rassembler les peuples et les territoires sous son Gouvernement, qui constitue l'héritage le plus considérable de ce souverain hors du commun.

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dimanche 27 janvier 2019

Le décret de Barère

 

8 pluviôse an II (27 janvier 1794) - Le français : langue commune pour tous


Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841)
A l'heure où les révolutionnaires ne parlent que d'unité de la nation française, il est urgent et indispensable d'imposer une langue comme langue nationale, parlée par tous les citoyens. Dans de nombreuses régions, on parle en effet divers dialectes et idiomes locaux, implantés depuis des siècles : les langues d'oc au sud, les langues d'oïl au nord, mais aussi l'alsacien, le flamand, le basque, le breton, le catalan… Bref, en 1789, on maîtrise sans doute mieux le français à la cour de Vienne ou de Moscou qu'à Brest, Colmar ou Tarbes. Le français, langue véhiculaire parlée par toutes les élites européennes, est pour la majorité de la population française une langue « étrangère ».

Une politique avait déjà été amorcée sous l'Ancien Régime avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, de François 1er, mais elle va trouver un nouvel essor avec la Révolution. A partir de 1793-1794, il est considéré qu'une langue commune est un véritable préalable à la démocratie.

Le rapport du "Comité de salut public sur les idiomes", rédigeait par le député Bertrand Barère de Vieuzac, déclencha l'offensive en faveur de l'existence d'une langue nationale. Le but, dans un premier temps : contrer l’usage du breton, de l’allemand en Alsace, du Corse, de l’Italien et de l’Espagnol dans les régions frontalières.
C'est l'un des textes les plus importants de toute la période de la Révolution française avec le "Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française" de l'abbé Grégoire, du 16 prairial an II (16 juin 1794). Pour Bertrand Barère de Vieuzac, non seulement la langue d'un peuple libre doit être une et la même pour tous, c'est-à-dire le français, car les autres langues sont considérées comme des "jargons barbares" et des "idiomes grossiers" qui ne peuvent plus servir que les "fanatiques" et les "contre-révolutionnaires".

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La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète :

Art. I. Il sera établi dans dix jours, à compter du jour de la publication du présent décret, un instituteur de langue française dans chaque commune de campagne des départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et dans la partie de la Loire-Inférieure dont les habitants parlent l'idiome appelé bas-breton.

Art. II. Il sera procédé à la même nomination d'un instituteur de la langue française dans chaque commune des campagnes des départements du Haut et Bas-Rhin, dans le département de la Corse, dans la partie du département de la Moselle, du département du Nord, du Mont-Terrible, des Alpes maritimes, et de la partie des Basses-Pyrénées dont les habitants parlent un idiome étranger.

Art. III. Il ne pourra être choisi un instituteur parmi les ministres d'un culte quelconque, ni parmi ceux qui auront appartenu à des castes ci-devant privilégiées ; ils seront nommés par les représentants du peuple, sur l'indication faîte par les sociétés populaires.

Art. IV. Les instituteurs seront tenus d'enseigner tous les jours la langue française et la Déclaration des droits de l'Homme à tous les jeunes citoyens des deux sexes que les pères, mères et tuteurs seront tenus d'envoyer dans les écoles publiques ; les jours de décade ils donneront lecture au peuple et traduiront vocalement les lois de la république en préférant celles relatives à l'agriculture et aux droits des citoyens.

Art. V. Les instituteurs recevront du trésor public un traitement de 1500 livres par an, payables à la fin de chaque mois, à la caisse du district, sur le certificat de résidence donné par les municipalités, d'assiduité et de zèle à leurs fonctions donné par l'agent national près chaque commune. Les sociétés populaires sont invitées à propager l'établissement des clubs pour la traduction vocale des décrets et des lois de la république, et à multiplier les moyens de faire connaître la langue française dans les campagnes les plus reculées.

Le Comité de salut public est chargé de prendre à ce sujet toutes les mesures qu'il croira nécessaires. (Projet décrété)
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Bertrand Barère de Vieuzac nait le 10 septembre 1755 à Tarbes dans une famille bourgeoise liée à l'aristocratie. Avocat de profession, il est en 1789 député de Tarbes.
Il préside le procès de Louis XVI et entraîne par ses discours les députés à voter la mort, ce qui lui vaudra parmi ses nombreux surnoms celui de "l'Anacréon de la guillotine". Il entre ensuite au Comité de Salut Public. Il justifiera avec éloquence tous les massacres, toutes les exterminations. Au 9 thermidor, quand le vent tourne, il lâche Robespierre. Il sera néanmoins proscrit par le Directoire. Pendant le Consulat et l'Empire, il vivra comme délateur, faisant chaque semaine un rapport à Napoléon Bonaparte sur l'état de l'opinion publique. Il écrit des libelles à la gloire de l'empereur. Il édite un journal xénophobe, le Mémorial antibritannique. Il sera exilé sous Louis XVIII et reviendra en France en 1830. Il mourra le 13 janvier 1841 à Tarbes, à l'âge de 86 ans.

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samedi 26 janvier 2019

Mort de Gérard de Nerval

 

26 janvier 1855 - Gerard de Nerval n'est plus


Gérard Labrunie, plus connu sous son nom de poète, Gérard de Nerval, s'est pendu à l'aube du 26 janvier 1855,  dans la rue de la Vieille-Lanterne, dans le quartier du Châtelet, à Paris. Il avait 46 ans. La plus belle part du romantisme s'est éteinte avec lui.

Gérard de Nerval, (1808-1855)
Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insouciant et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.

C'était la Mort ! Alors il la pria d'attendre

Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,

Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,

Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,
Il s'en alla disant : «Pourquoi suis-je venu ?»

(Gérard de Nerval, Épitaphe)


"... La mélancolie tourne au désespoir, la fatigue à l’accablement. On entre dans cette période que les illuminés appellent le capharnaüm. La lampe, près de s’éteindre, ne jette plus que des lueurs intermittentes, éclairant à demi des fantômes grimaçants et des chimères monstrueuses qui, d’un ton somnolent, murmurent des choses oubliées, incompréhensibles ou vaguement effrayantes. On sent que le dénouement approche et que ce dénouement sera fatal. En effet, avec un cordon qu’il prétendait avoir été la propre jarretière de la reine de Saba, le malheureux Gérard de Nerval termina ses angoisses, et le dernier objet qu’entrevirent ses yeux mourants fut ce corbeau qui lui était déjà apparu sur le pont du navire, quand il allait de Beyrouth à Saint-Jean-D'acre pour demander la rentrée en grâce du père de l’attaké Siti-Saléma. Peut-être, avant d’exécuter sa triste résolution, la maxime druse, avec son inflexible rigueur, lui était-elle revenue à l’esprit : La porte est fermée, l’affaire est finie, la plume est émoussée. "
Extrait du portrait de Gérard de Nerval par son ami Théophile Gautier

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vendredi 25 janvier 2019

Sacre de François 1er

 

25 janvier 1515 - Sacre à Reims de François 1er


Sacre de François 1er, 25 janvier 1515
A vingt ans, le comte François d'Angoulême accède au trône sous le nom de François 1er succédant à son cousin Louis XII, décédé sans héritier mâle le 1er janvier 1515 et qui l'a désigné, plusieurs années auparavant, comme son successeur. Impatient de ceindre la Couronne, le jeune homme décide de raccourcir la période de deuil et de se faire sacrer dès le 25 janvier1515.

Tandis que les préparatifs vont bon train, qu'on forge une nouvelle couronne pour ceindre son large front, qu'on taille un manteau fleurdelisé à sa mesure, le souverain quitte Paris le 18 janvier pour se rendre à Reims. Il est accompagné par sa mère, Louise de Savoie, par sa sœur, Marguerite d'Angoulême, duchesse d'Alençon, par Anne de France, duchesse douairière de Bourbon, ainsi que par les princes du sang et la noblesse accourue de toutes les provinces. La reine Claude n'est pas du voyage, car elle attend un enfant. La veille de la cérémonie, il se présente sur le parvis de la cathédrale Notre Dame de Reims, où il est accueilli par l'archevêque Robert de Lenoncourt et les pairs de l'Eglise. Le soir, il reste longtemps en prière, demandant à Dieu de bénir son règne et son royaume.

François 1er n'étant pas "né" roi, le sacre revêt, en dehors de sa dimension liturgique, une importante signification politique : issu de la branche cadette des Valois, le nouveau souverain va ainsi mettre ses pas dans ceux de Clovis, de Saint Louis et de Charles V, qui ont inauguré, puis fixé, chacun en leur temps, les détails de la cérémonie. Le 25 janvier, il rejoint la cathédrale en cortège. Vêtu de la dalmatique, la longue chemise de soie blanche à fermoir d'argent marquant l'entrée du roi dans l'ordre des clercs, il gagne l'autel, où a été dressé un trône sur lequel il prend place. 

Pendant ce temps, sur le parvis, l'archevêque reçoit la Sainte Ampoule apportée par l'abbé de Saint Rémy, qui en est le gardien habituel, ses religieux et quatre gentilshommes, choisis par Sa Majesté pour être les "otages de la Sainte Ampoule"

Puis le roi prononce les quatre serments traditionnels, jurant de défendre l'Eglise, de faire régner la paix, d'empêcher ses sujets de tout rang de commettre des iniquités et de chasser les hérétiques du royaume. L'archevêque bénit "Joyeuse", l'épée de Charlemagne, puis procède au rite de l'unctio, en appliquant l'onction sacrée au sommet de la tête de François 1er, sur la poitrine, entre les épaules, sur l'épaule droite, sur l'épaule gauche et à la jointure des bras; ponctuant chacun de ses gestes d'un "Je t'oins de l'huile sainte au nom du Père et Fils et du Saint Esprit".

Le duc de Longueville, grand chambellan, remet ensuite au souverain la robe royale et agrafe sur ses épaules le grand manteau fleurdelisé qui symbolise la voûte céleste et la puissance universelle. Après quoi, François 1er reçoit l'anneau royal, par lequel il devient un roi-prêtre, puis le sceptre dans la main gauche, et la main de justice dans la main droite. Suit le rite de la coronation : entouré par les douze pairs du royaume, l'archevêque ceint le front du roi de la couronne d'or incrustée de quatre fleurs de lys et de pierres précieuses, donne au souverain le baiser de paix et s'exclame par trois fois : "Vive le roi pour l'éternité!"

Alors que l'assistance reprend ce cri de ferveur et d'espérance, les trompettes sonnent, les orgues tonnent, les cloches carillonnent et les oiseleurs lâchent sous les voûtes de la cathédrale des centaines de colombes. 

Ayant ceint une couronne plus légère et revêtu en majesté, François 1er, précédé par les pairs et le connétable Charles de Bourbon, quitte les lieux sous les acclamations de la foule en liesse. Il s'en va présider à l'archevêché un grand banquet de cour, tandis que des pièces de monnaie, gravées pour la circonstance afin de propager les récits du sacre autant que la réputation de générosité du nouveau souverain, sont distribuées au peuple.

Deux jours plus tard, comme tous ses prédécesseurs, le roi se rend à quelques lieues de Reims, à l'abbaye de Corbeny, où il touche les écrouelles en prononçant les paroles traditionnelles : "Le roi te touche, Dieu te guérit", accomplissant ainsi le "miracle" spécifique à la monarchie française.

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Le serment du Sacre : Comme tous ses prédécesseurs, François 1er est invité par l'archevêque de Reims à prêter le serment du sacre. Toujours le même. Toutefois depuis le règne de Charles V, pour que le royaume ne soit pas menacé de démembrement, le souverain s'engage à en maintenir l'inaliénabilité. 
"Je promets, au nom de Jésus Christ, au peuple chrétien, à mes sujets les choses qui s'ensuivent : premièrement qu'à notre pouvoir tout le peuple chrétien garde en tout temps à l'Eglise de Dieu vraie paix. Item, que j'interdirai à tous degrés et toutes manières de gens toutes rapacités et iniquités. Item, que je commanderai et ordonnerai en tous jugements, équité et miséricorde. Item que de bonne foi et de ma force et puissance, j'étudierai à exterminer et à chasser de ma terre et juridiction à mes sujets tous les hérétiques qui seront dénoncés et déclarés par l'Eglise. Toutes choses dessus dites, je jure et affirme tenir et accomplir".

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jeudi 24 janvier 2019

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

 

24 janvier 1732 - Naissance de Beaumarchais


Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799)
par Jean-Marc Nattier (1755), Londres
Brillant, dilettante, insolent, impécunieux et intrigant, Beaumarchais est, à l'image de son Figaro, « ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion… » et ce qui reste de son œuvre, dramatique ou polémique, est essentiellement cette étonnante liberté d'esprit, qui ne vieillit pas, car elle est de tous les temps. Chacun retiendra les répliques devenues devises : "Vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus" ou "sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur" ou encore "il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits".

Fils d'horloger, inventeur à vingt ans d'un échappement de montre dont il est obligé de disputer l'invention au célèbre Lepaute, Pierre-Augustin Caron connait une enfance heureuse dans l'aisance matérielle d'une famille où l'on lisait et écoutait de la musique. En novembre 1756, il se marie une première fois avec Madeleine-Catherine Aubertin, veuve Franquet de dix ans son ainée. Il se fait dès lors appeler «de Beaumarchais», nom d’une terre qui appartient à son épouse.

Après la mort de sa femme, il entre dans le domaine des spéculations commerciales et acquiert une grande fortune pour acheter une charge de secrétaire du roi qui lui confère la noblesse. Ensuite, il donne des leçons de harpe aux quatre filles du roi Louis XV. Il commence à écrire de petites parades pour des théâtres privés, et épouse, en 1768, Geneviève-Madeleine Wattebled, une veuve très riche, qui meurt deux ans après, à l'âge de trente-neuf ans, lui laissant une grande fortune en viager.

Il entre en littérature par la petite porte, fournit à Le Normant d'Étiolles, mari de la Pompadour, des Parades dans le genre poissard (1757-1763). Le théâtre l'intéresse cependant d'une manière plus sérieuse, et, suivant les idées développées par Diderot sur le drame bourgeois, il donne à la Comédie-Française Eugénie (1767), demi-échec suivi de la publication d'un ouvrage théorique, Essai sur le genre dramatique sérieux, et les Deux Amis (1770), échec total.

Sa vie devient après une succession de procès (l’affaire du juge Goëzman) et d'aventures, travaillant comme agent secret, qu'il s'agisse de mission secrète à Londres avec le Chevalier d'Éon en 1775, de l'aide aux Insurgents d'Amérique en 1776, ou de l'achat de fusils en Hollande pour l'armée républicaine, en 1792. Il prend la tête des auteurs dramatiques trop longtemps abusés par les Comédiens-Français, qui profitent de leur monopole pour ne pas rétribuer les auteurs comme il conviendrait. De ce conflit qu'il mène tambour battant, exigeant des comptes exacts, et peu avare en déclarations tonitruantes, naît la Société des auteurs dramatiques (1777-1780).

Ses premiers drames n'ont pas un grand retentissement, mais sa comédie "Le Barbier de Séville" (1774) qui est sévèrement censurée puis modifiée suscite un vif enthousiasme en 1775 (en 1785, Marie-Antoinette, en personne, jouera le rôle de Rosine). Sa suite "Le Mariage de Figaro", également soumise à la censure et jugée dangereuse est un triomphe à sa première (1784). En 1792, il crée le dernier volet de la trilogie de Figaro, "La Mère coupable", drame larmoyant et moralisateur contaminé par l'atmosphère révolutionnaire. En 1786, il épouse Marie-Thérèse Willer-Mawlaz.

En 1790 il se rallie à la Révolution française qui le nomme membre provisoire de la commune de Paris. Mais il quitte bientôt les affaires publiques pour se livrer à de nouvelles spéculations ; il se ruine néanmoins en voulant fournir des armes aux troupes de la République. Ensuite, Il devient suspect sous la Convention et doit s'exiler à Hambourg, après s'être fait prisonnier et ne revient en France qu'en 1796.

Il écrit ses "Mémoires", chef-d’œuvre de pamphlet, et meurt d’apoplexie pendant son sommeil, à Paris, à l'âge de 67 ans, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.

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"Le Mariage de Figaro" sera adapté en 1786 en opéra bouffe (Le Nozze di Figaro) par Mozart, quant au "Barbier de Séville" (Il barbiere di Siviglia), il servira de livret pour Rossini en 1816.

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lundi 21 janvier 2019

Charles, 1er dauphin de France

 

21 janvier 1338 - Naissance du futur premier dauphin de France


Charles V, roi de France de 1364 à 1380
Sculpture (détail), Musée du Louvre
La princesse héréditaire Bonne de Luxembourg, épouse de Jean de France, donne naissance à un fils, Charles, le 21 janvier 1338, jour de la sainte Agnès, au château de Vincennes. Il y avait six ans que le couple princier était marié. La naissance de l'enfant provoque une joie d'autant plus grande que l'attente de la famille royale avait été trompée une première fois. Le roi Philippe VI de Valois célèbre l'événement par un acte de clémence : il ordonne la libération d'un certain nombre de prisonniers.

Charles est baptisé à l'église de Montreuil, proche de Vincennes. On lui donne pour parrain le comte d'Alençon. Son autre grand-père, le père de Bonne de Luxembourg, est le fameux Jean l'Aveugle, roi de Bohême.

Il est éduqué à la cour avec d'autres enfants de son âge dont il restera proche.

Bonne de Luxembourg, sa mère, meurt de la peste le 11 septembre 1349, à l'abbaye de Maubuisson, ou elle est inhumée, moins d'un an avant l'accession de son époux au trône, le 22 août 1350. elle ne devient jamais reine de France.

Charles est le premier héritier à porter le titre de dauphin de France, le 16 juillet 1349, après que son grand-père est acheté, pour 200 000 florins, et son père négocié le nom du successeur, la province du Dauphiné à Humbert II.

Le pauvre Humbert, épris de faste mais criblé de dettes, cherchait à vendre le Dauphiné au plus offrant. La mort de son enfant unique le désespérait. Finalement le dauphin consentit à céder ses Etats, non point au roi de France, Philippe VI, mais au second de ses fils, Philippe de France duc d'Orléans, ou, à défaut, à l'un des fils de Jean de France. Cette "donation", non gratuite, serait définitive qu'à la mort d'Humbert et sous réserve qu'il ne laissât pas d'héritier mâle. Par la suite, Jean parvint à le convaincre de substituer son propre nom à celui de son frère. La mort de Marie de Baux, épouse d'Humbert, l'avis défavorable du pape Clément VI et la peste qui ravageait l'Europe retardèrent les négociations. Mais Jean et ses conseillers revinrent à la charge. Le 30 mars 1349, Humbert confirma la "donation". On convint que le bénéficiaire de la cession serait le fils ainé de Jean de France, c'est à dire Charles, futur Charles V, à charge pour lui de prendre le titre delphinal et d'épouser Jeanne de Bourbon, ex-fiancée d'Humbert. Mais Jean de France se défiait de la versatilité d'Humbert. Il exigea qu'il se dessaisît solennellement du Dauphiné et des attributs de sa souveraineté. La cérémonie se déroula le 16 juillet 1349, au couvent des Jacobins à Lyon.

Voila comment à onze ans, le jeune Charles appris qu'il allait devenir dauphin de Viennois et qu'il était fiancé à la petite Jeanne de Bourbon, sa cousine, née elle aussi à Vincennes et sa cadette de quelques jours.

En juin 1349, Charles se mit en route avec son père pour Lyon. C'était son premier apprentissage de prince. Le 16 juillet, au couvent des Jacobins, Humbert II, accompagné de ses conseillers, renouvela ses engagements. Puis il enleva les insignes de la souveraineté delphinale et les remit au jeune Charles : l'anneau, le sceptre, l'épée et la bannière de saint Georges. Il ordonna ensuite à ses vassaux de prêter hommage au nouveau dauphin Charles 1er.

Depuis cet épisode le titre fut porté par le fils aîné du roi de France. Il désigne alors l'héritier présomptif de la couronne, jusqu'à son sacre ou son décès, auquel cas le titre passe au prochain héritier présomptif du trône.

Le titre fut porté jusqu'en 1830. Le dernier à l'acquérir fut le fils de Charles X, Louis-Antoine d'Artois. Devenu titre de courtoisie il est aujourd'hui donné à Louis de Bourbon, duc d'Anjou, prétendant légitimiste au trône depuis 1989.

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samedi 19 janvier 2019

Mort de Dagobert 1er

 

19 janvier 639 - Mort de Dagobert 1er


Mort de Dagobert - 19 janvier 639
Chronique des empereurs XVe siècle (Arsenal)
C'est à Braine (aujourd'hui dans l'Aisne), le 19 janvier 639 que le "bon roi Dagobert", encore très jeune - il n'a que trente-six ans - souffrant de "flux de ventre" depuis quelque temps est emporté par une crise de dysenterie (pour certains de la peste ou de la varicelle).

Il est inhumé dans la nouvelle basilique de Saint-Denis dont il a fait construire l'enceinte entre 625 et 630 sur le lieu où reposait déjà depuis 570 Arégonde, son arrière-grand-mère et quatrième épouse de Clotaire 1er, et qui devient à dater de cette cérémonie le tombeau officiel des rois de France
Tombeau de Dagobert 1er 
dans la Basilique Saint-Denis
Selon la coutume, chez les mérovingiens, le royaume franc est partagé entre ses deux fils : Sigebert qui a 9 ans, hérite de l'Austrasie et de l'Aquitaine, et devient Sigebert III, et son demi-frère Clovis qui n'a que 4 ans, hérite de la Neustrie et de la Bourgogne, sous le nom de Clovis II.

Dagobert est le dernier Mérovingien à régner pleinement par lui-même. Après lui la dynastie va connaître un déclin rapide, avec une fois de plus la division du Regnum Francorum mérovingien mais  plus gravement, ses nouveaux souverains perdent le pouvoir effectif au profit de leurs maires du palais (sortes de 1er Ministres), issus de riches familles aristocratiques.

C'est le début de l'époque dite des Rois Fainéants qui marquera la fin de la dynastie mérovingienne.

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On ne peut pas parler du roi Dagobert sans faire référence à la chanson parodique qui connut un renouveau lors de la Révolution française. Couplet originel datant du XVIe siècle, elle a été écrite sur un air de chasse très à la mode: La fanfare du cerf. Elle met en scène deux personnages : le roi Dagobert et son principal conseiller saint Eloi. Au fil du temps, certaines paroles datant de la période révolutionnaire ont été rajoutées pour tourner la royauté en ridicule notamment Louis XV, et plus tard Louis XVI.
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vendredi 18 janvier 2019

Le Grand Condé en prison

 

18 janvier 1650 - Arrestation du Grand Condé


Le prince de Condé, qui avait couvert de lauriers le trône du jeune monarque et ramené à Paris la cour triomphante, trouva qu’on ne payait pas assez ses services; il se mit à braver la reine Anne d’Autriche régente du royaume et à se moquer du cardinal de Mazarin, cet " usurpateur étranger ", ce " faquin écarlate ", qui avait été maintenu dans ses fonctions après la Fronde parlementaire et la paix de Rueil.

" Nul crime d’état, écrivait Voltaire, ne pouvait être imputé à Condé ; cependant on l’arrêta dans le Louvre, lui, son frère de Conti, et son beau-frère de Longueville, sans aucune formalité, et uniquement parce que Mazarin le craignait. Cette démarche était à la vérité contre toutes les lois ; mais on ne connaissait les lois dans aucun des partis. Le cardinal, pour se rendre maître des princes, usa d’une fourberie qu’on appela politique. Les Frondeurs étaient accusés d’avoir tenté d’assassiner le prince de Condé ; Mazarin lui fait accroire qu’il s’agit d’arrêter un des conjurés et de tromper les Frondeurs ; que c’est à son Altesse à signer l’ordre aux gendarmes de la garde de se tenir prêts au Louvre. Le grand Condé signe lui-même l’ordre de sa détention. On ne vit jamais mieux que la politique consiste souvent dans le mensonge, et que l’habileté est de pénétrer le menteur. "
On assure que la reine mère se retira dans son oratoire pendant qu’on se saisissait des princes, qu’elle fit mettre à genoux le roi son fils, âgé de onze ans, et qu’ils prièrent Dieu dévotement ensemble pour le succès de cette expédition.
Les trois princes furent arrêtés en même temps dans une galerie du Palais-Royal, où on les avait attirés sous divers prétextes. On les fit descendre par un petit escalier obscur ; le prince de Condé dit alors : « Voudrait-on renouveler ici la scène de Blois ? » On les conduisit au château de Vincennes ; en route la voiture cassa, il fallut marcher dans la boue. En arrivant, on ne trouva rien de prêt, ni logis, ni souper ; le prince de Condé prit deux œufs frais, et dormit deux heures sur une botte de paille. C’était le seul des trois qui conservât son sang-froid et sa gaieté : le duc de Longueville était abattu ; le duc de Conti versait des larmes, et ne quittait pas le lit. Il demanda au gouverneur une Imitation de Jésus-Christ : « Et moi, monsieur, dit le prince de Condé, je vous demande une imitation de monsieur de Beaufort ». Deux ans auparavant, le 1er juin 1648, ce duc s’était sauvé du château de Vincennes.
Les princes étaient confiés à la garde d’un certain Bar, homme dur et ignorant, qui voulait forcer l’aumônier de la prison à leur dire la messe en français, parce que ne sachant pas le latin, il avait peur que le prêtre ne profitât de la cérémonie pour leur donner quelque avis. De Vincennes, ils furent conduits au château de Montagu à Marcoussy. Cette arrestation avait fait grand bruit dans les provinces gouvernées par les trois détenus. La duchesse de Longueville, outrée, se rapprocha alors de Turenne, afin de faire échapper les prisonniers. Mazarin, averti du complot fit transférer les détenus au fort du Havre. 
Leur emprisonnement dura treize mois. Le peuple avait célébré leur arrestation par des feux de joie ; il célébra de même leur retour. Ce fut le début de la Fronde des princes. La Bourgogne, la Normandie et l'Aquitaine rallumèrent la guerre civile. Fréderic-Maurice de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, décida d’agiter le Poitou et le Limousin avant de rejoindre Bordeaux. Il faudra attendre octobre 1652 et la contribution de l'armée royale pour mettre un terme à tous ces affrontements.
Dans un âge plus avancé, et se remémorant les temps de la Fronde, le Grand Condé méditait : " Je suis entré dans cette prison le plus innocent de tous les hommes, et j’en suis sorti le plus coupable. "
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jeudi 17 janvier 2019

L’Edit de Janvier est signé

 

17 janvier 1562 – Charles IX signe l’Edit de Janvier


Charles IX,
roi de France de 1560 à 1574
Après l’édit de juillet 1561 et le colloque de Poissy de l’automne suivant, les catholiques s’insurgeaient de voir les protestants faire des assemblées publiques à Paris : des prêtres irrités s’assemblèrent, le 27 décembre 1561, en l’église de Saint-Médard et firent sonner les cloches lors d’un prêche protestant. Dans un esprit de tolérance et préparé par Catherine de Médicis, régente du royaume, assistée du chancelier Michel de l'Hospital, un texte fut soumis au jeune roi Charles IX âgé de 12 ans. Par ce texte, il était conféré aux protestants français la liberté de conscience et le libre exercice de leur culte sous certaines conditions : célébration à l'extérieur des villes fortifiées,  ainsi que de tenir des assemblées dans les maisons privées à l'intérieur de ces mêmes villes. En échange, ils devaient rendre aux catholiques les églises dont ils s’étaient emparés.
Le 17 janvier 1562, Charles IX signa, sous la pression de sa mère, l'Edit de Janvier, ou Edit de tolérance de Saint-Germain (du nom du château où a eu lieu la signature).
Paradoxalement, cette mesure, loin d’apaiser les tensions, attisa la haine entre les catholiques et les protestants, tant il était vrai que l'esprit de tolérance ne dépassait pas le cercle étroit des milieux cultivés.
Le tumulte de Saint-Médard eut une conséquence immédiate. Le Parlement de Paris refusa d’enregistrer cet édit, le jugeant comme trop favorable aux hérétiques et dangereux pour l’ordre public : il y eu des remontrances et des lettres de jussion. La joie trop vive des calvinistes, le silence sombre et menaçant des catholiques, présageaient une rupture prochaine. Tout le monde se tenait sur le qui-vive, prêts à en découdre… 
Il fut finalement enregistré, mais sous cette réserve lourde de menace : " Publié, lu et enregistré en notre cour de Parlement de Paris, par l’importunité de ceux de la nouvelle religion prétendue réformée, et ce par provision, en attendant la majorité du Roi, pour en ordonner autrement, ainsi qu’il sera avisé en son Conseil. "
Quelques semaines plus tard, il y eu " l’inconvénient " de Wassy. 
Le 1er mars 1562, le duc François de Guise et sa troupe d'archers surprenaient dans le village de Wassy (ou Vassy), en Champagne, 200 protestants en train de chanter et d'écouter un prêche dans une grange, à l'intérieur de la ville close et dans des conditions donc illégales. Le duc s'irrita de cette violation de l'Edit de Janvier. Sur son ordre, la troupe massacra sauvagement les protestants. On compta une trentaine de morts et une centaine de blessés. C'était le début des guerres de religion
Elles dureront plus de trente ans.
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mardi 15 janvier 2019

L'assassinat de Castelnau

 

15 janvier 1208 - La croisade contre les Albigeois est enclenchée


Nous sommes en 1208, dans le Languedoc. C'est en quittant Saint-Gilles, petite agglomération non loin de Nîmes, en fin de matinée du 14 janvier, après avoir signifié, lors d'une entrevue houleuse, que son excommunication ne serait pas "levée" à Raymond VI de Toulouse, "ministre du Diable", rebelle et protecteur d'hérétiques, que Pierre de Castelnau, légat cistercien du pape Innocent III, est exécuté sur les berges du Rhône.

Encore sur les terres de Raymond VI au moment où il s’apprêtait à traverser le fleuve, au gué de Trinquetaille, un écuyer du comte de Toulouse se jeta sur le légat, le frappa "traîtreusement par derrière" de son glaive, et s’enfuit au galop sur son cheval, vers Beaucaire. Pierre de Castelnau ne mourut pas sur le coup : il pria pour que fussent pardonnés les péchés de son meurtrier, reçu la communion "vers l'heure du chant du coq", puis rendit l'âme "aux premières lueurs de l'aube" du 15 janvier.

Profitant de cet événement Arnaud Amaury, cistercien et chef suprême de tous les légats du pape, prêche la guerre sainte contre le comte de Toulouse jusqu'à la cour de France de Philippe Auguste. C'est la fin à toute tentative de réconciliation qui livre pour longtemps le midi de la France à la guerre.

Cet homicide fait incontestablement le jeu du parti des "faucons" autour du pape Innocent III, qui lui-même guette l'occasion d'intervenir en Languedoc. Depuis son élection en 1198, ce grand juriste-né multiplie les mesures contre les déviants (hérétiques ou infidèles) tout en affirmant la plénitude du pouvoir du Saint-Siège sur les monarchies et s'intitulant lui-même vicaire de Dieu sur terre : principes de la théocratie pontificale. Mais, en cette année 1208, il est patent que l'énorme appareil cistercien dirigé par les légats d'Innocent III en Languedoc, et malgré l'assistance de frère Dominique, fondateur de l'ordre des frères prêcheurs, a échoué à réfuter l'hérésie face au peuple. L'hérésie reste ouvertement protégée par les comtes occitans et leurs vassaux, au premier chef Raymond VI, comte de Toulouse.

L'idéologie pontificale est alors mûre pour une croisade en terre chrétienne. Innocent III médite d'appeler les " fidèles chevaliers du Christ ", ceux qu'a démobilisés le désastre des croisades en Terre sainte, à défendre la cause de l'Eglise en Occitanie. Mais le roi Philippe Auguste voit d'un mauvais œil les prétentions du pape à s'ingérer dans les affaires d'un des grands vassaux de la couronne de France.

L'assassinat de Pierre de Castelnau sur la route de Saint-Gilles au gué de Trinquetaille, va indéniablement débloquer la situation. Raymond de Toulouse est aussitôt accusé d'être à l'origine de ce crime. A tort ou à raison, il ne pourra jamais s'en disculper. Le roi ne peut faire moins que permettre à ses grands vassaux de France de croiser. Le chemin est libre pour une croisade contre les hérétiques.

Pierre de Castelnau fut enseveli dans la crypte de l'abbaye de Saint-Gilles, près du tombeau de Saint Gilles. Quelques années plus tard, déclaré martyr par le pape Innocent IV, il fut béatifie et l'ancien archidiacre de Maguelonne devint le Bienheureux Pierre de Castelnau.

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lundi 14 janvier 2019

Napoléon III frôle la mort

 

14 janvier 1858 - L'attentat d'Orsini contre Napoléon III


L'attentat d'Orsini, le 14 janvier 1858,
par H. Vittori, musée Carnavalet, Paris
Ça s'est passé un 14 janvier, il y a de cela cent soixante et un ans …
C'est en criant: " Vive l'Italie! Vive la France! " qu'Orsini et Pieri, condamnés pour attentat contre Napoléon III, montèrent à l'échafaud le 13 mars 1858. Devant l'Opéra, le soir du 14 janvier 1858, trois bombes avaient été lancées contre la voiture impériale où se trouvaient l'empereur, l'impératrice et le général Roguet. Il y eut huit morts et cent cinquante blessés. Le couple impérial, lui, était miraculeusement indemne, mais la voiture avait reçu quelque qua­tre-vingts éclats et le général Roguet, blessé au cou, saignait.
Le 14 janvier 1858, Napoléon III échappa à l'attentat d'Orsini, un parmi une dizaine d'autres dont il fut la cible pendant son règne. Napoléon Ier avait écrit: " Quand on veut se mêler de gouverner, il faut savoir se faire assassiner ". Son successeur ne manquait pas de courage, non plus que l'impératrice Eugénie, qui avait coutume de dire: " Si nous pensions à tout cela, nous ne dormirions pas. Ce qu'il y a de mieux, c'est de n'y pas songer et de se fier à la Providence ".
A 20 h 35, l'empereur arrivait à l'Opéra, venant de la rue Le Peletier, précédé par un peloton de lanciers. La voiture ralentit quand retentit une violente explosion. Le cocher essaye d'enlever ses chevaux, mais celui de droite tombe mort, le poitrail déchiré. La voiture, entraînée dans un dernier sursaut du cheval de gauche, vient heurter le mur de l'Opéra et son timon se brise. A dix secondes d'intervalle, deux autres explosions, et les candélabres s'éteignent. Dans la semi-obscurité, c'est un indescriptible désordre, une fuite éperdue de la foule. On relèvera huit morts et cent cinquante-six blessés.
Un agent de la sécurité, le visage en sang, se jette devant la portière, le poignard levé pour frapper tout agresseur. L'empereur lui demande froidement de baisser le marchepied et, accompagné de l'impératrice, gagne sa loge.
A minuit, le couple regagne les Tuileries sous les vivats de la foule, et reçoit les membres du corps législatif et les dignitaires du régime, venus les congratuler. On dit qu'en se retirant, ils passèrent dans la chambre du prince qui n'avait pas deux ans, et qu'à la vue de l'enfant endormi, ils furent secoués de sanglots.
La police n'avait pu empêcher l'attentat, mais, dans les heures qui suivirent, elle arrêtait les conjurés. Les auteurs étaient quatre révolutionnaires, disciples de Mazzini. Seul son instigateur et organisateur, Felice Orsini, né en 1819, conspirateur de longue date, membre de l'Assemblée républicaine de Rome en 1848, suscita une certaine sympathie à cause de la sincérité de ses convictions. Pieri était un personnage douteux. Les deux autres, Gomez, homme de main, et Rudio, très jeune, ne furent pas con­damnés à mort. 
Orsini avait voulu élimi­ner Napoléon III parce qu’il le considé­rait, depuis l’intervention des troupes françaises en 1849 contre la République romaine, comme un obstacle aux pro­grès de l’unité italienne, ce en quoi il se trompait du tout au tout. Les républi­cains français furent aussitôt accusés de complicité, d’autant qu’Orsini fut défen­du par un député partageant leurs idées, l’éloquent avocat Jules Favre. Le gou­vernement fit voter une loi de sûreté gé­nérale (19 février 1858) organisant la répression. Plusieurs républicains furent déportés en Algérie. 
En réalité, Napoléon III, qui avait autre­fois combattu aux côtés des carbonari, avait toujours été favorable à l’unité de «sa seconde patrie». Il avait permis aux Piémontais de prendre part à la guerre de Crimée, puis de poser la «question italienne» aux congrès de Paris. Toute­fois, il hésitait à s’engager davantage pour soutenir le Piémont contre l’Autri­che, craignant une guerre difficile et l’hostilité des milieux catholiques fran­çais, favorables aux Habsbourg et au pape. 
L’attentat eut l’effet parado­xal de pousser l’empereur à prendre par­ti. Il laissa publier dans Le Moniteur une lettre d’Orsini où l’on trouvait cette adjuration: " Que Votre Majesté ne repousse pas ce vœu suprême d’un patriote sur les marches de l’échafaud, qu’elle délivre ma patrie et les bénédic­tions de 25 millions de citoyens le sui­vront dans la postérité ". Le 21 juillet 1858, une entrevue, à Plombières, entre Napoléon III et Cavour fixa les modalités de l’intervention française. Le 27 avril 1859, l’Autriche, sûre de sa force, engagea les hostilités et, une semaine plus tard, la France se rangea aux côtés du Piémont.
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