dimanche 27 janvier 2019

Le décret de Barère

 

8 pluviôse an II (27 janvier 1794) - Le français : langue commune pour tous


Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841)
A l'heure où les révolutionnaires ne parlent que d'unité de la nation française, il est urgent et indispensable d'imposer une langue comme langue nationale, parlée par tous les citoyens. Dans de nombreuses régions, on parle en effet divers dialectes et idiomes locaux, implantés depuis des siècles : les langues d'oc au sud, les langues d'oïl au nord, mais aussi l'alsacien, le flamand, le basque, le breton, le catalan… Bref, en 1789, on maîtrise sans doute mieux le français à la cour de Vienne ou de Moscou qu'à Brest, Colmar ou Tarbes. Le français, langue véhiculaire parlée par toutes les élites européennes, est pour la majorité de la population française une langue « étrangère ».

Une politique avait déjà été amorcée sous l'Ancien Régime avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, de François 1er, mais elle va trouver un nouvel essor avec la Révolution. A partir de 1793-1794, il est considéré qu'une langue commune est un véritable préalable à la démocratie.

Le rapport du "Comité de salut public sur les idiomes", rédigeait par le député Bertrand Barère de Vieuzac, déclencha l'offensive en faveur de l'existence d'une langue nationale. Le but, dans un premier temps : contrer l’usage du breton, de l’allemand en Alsace, du Corse, de l’Italien et de l’Espagnol dans les régions frontalières.
C'est l'un des textes les plus importants de toute la période de la Révolution française avec le "Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française" de l'abbé Grégoire, du 16 prairial an II (16 juin 1794). Pour Bertrand Barère de Vieuzac, non seulement la langue d'un peuple libre doit être une et la même pour tous, c'est-à-dire le français, car les autres langues sont considérées comme des "jargons barbares" et des "idiomes grossiers" qui ne peuvent plus servir que les "fanatiques" et les "contre-révolutionnaires".

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La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète :

Art. I. Il sera établi dans dix jours, à compter du jour de la publication du présent décret, un instituteur de langue française dans chaque commune de campagne des départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et dans la partie de la Loire-Inférieure dont les habitants parlent l'idiome appelé bas-breton.

Art. II. Il sera procédé à la même nomination d'un instituteur de la langue française dans chaque commune des campagnes des départements du Haut et Bas-Rhin, dans le département de la Corse, dans la partie du département de la Moselle, du département du Nord, du Mont-Terrible, des Alpes maritimes, et de la partie des Basses-Pyrénées dont les habitants parlent un idiome étranger.

Art. III. Il ne pourra être choisi un instituteur parmi les ministres d'un culte quelconque, ni parmi ceux qui auront appartenu à des castes ci-devant privilégiées ; ils seront nommés par les représentants du peuple, sur l'indication faîte par les sociétés populaires.

Art. IV. Les instituteurs seront tenus d'enseigner tous les jours la langue française et la Déclaration des droits de l'Homme à tous les jeunes citoyens des deux sexes que les pères, mères et tuteurs seront tenus d'envoyer dans les écoles publiques ; les jours de décade ils donneront lecture au peuple et traduiront vocalement les lois de la république en préférant celles relatives à l'agriculture et aux droits des citoyens.

Art. V. Les instituteurs recevront du trésor public un traitement de 1500 livres par an, payables à la fin de chaque mois, à la caisse du district, sur le certificat de résidence donné par les municipalités, d'assiduité et de zèle à leurs fonctions donné par l'agent national près chaque commune. Les sociétés populaires sont invitées à propager l'établissement des clubs pour la traduction vocale des décrets et des lois de la république, et à multiplier les moyens de faire connaître la langue française dans les campagnes les plus reculées.

Le Comité de salut public est chargé de prendre à ce sujet toutes les mesures qu'il croira nécessaires. (Projet décrété)
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Bertrand Barère de Vieuzac nait le 10 septembre 1755 à Tarbes dans une famille bourgeoise liée à l'aristocratie. Avocat de profession, il est en 1789 député de Tarbes.
Il préside le procès de Louis XVI et entraîne par ses discours les députés à voter la mort, ce qui lui vaudra parmi ses nombreux surnoms celui de "l'Anacréon de la guillotine". Il entre ensuite au Comité de Salut Public. Il justifiera avec éloquence tous les massacres, toutes les exterminations. Au 9 thermidor, quand le vent tourne, il lâche Robespierre. Il sera néanmoins proscrit par le Directoire. Pendant le Consulat et l'Empire, il vivra comme délateur, faisant chaque semaine un rapport à Napoléon Bonaparte sur l'état de l'opinion publique. Il écrit des libelles à la gloire de l'empereur. Il édite un journal xénophobe, le Mémorial antibritannique. Il sera exilé sous Louis XVIII et reviendra en France en 1830. Il mourra le 13 janvier 1841 à Tarbes, à l'âge de 86 ans.

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