vendredi 18 janvier 2019

Le Grand Condé en prison

 

18 janvier 1650 - Arrestation du Grand Condé


Le prince de Condé, qui avait couvert de lauriers le trône du jeune monarque et ramené à Paris la cour triomphante, trouva qu’on ne payait pas assez ses services; il se mit à braver la reine Anne d’Autriche régente du royaume et à se moquer du cardinal de Mazarin, cet " usurpateur étranger ", ce " faquin écarlate ", qui avait été maintenu dans ses fonctions après la Fronde parlementaire et la paix de Rueil.

" Nul crime d’état, écrivait Voltaire, ne pouvait être imputé à Condé ; cependant on l’arrêta dans le Louvre, lui, son frère de Conti, et son beau-frère de Longueville, sans aucune formalité, et uniquement parce que Mazarin le craignait. Cette démarche était à la vérité contre toutes les lois ; mais on ne connaissait les lois dans aucun des partis. Le cardinal, pour se rendre maître des princes, usa d’une fourberie qu’on appela politique. Les Frondeurs étaient accusés d’avoir tenté d’assassiner le prince de Condé ; Mazarin lui fait accroire qu’il s’agit d’arrêter un des conjurés et de tromper les Frondeurs ; que c’est à son Altesse à signer l’ordre aux gendarmes de la garde de se tenir prêts au Louvre. Le grand Condé signe lui-même l’ordre de sa détention. On ne vit jamais mieux que la politique consiste souvent dans le mensonge, et que l’habileté est de pénétrer le menteur. "
On assure que la reine mère se retira dans son oratoire pendant qu’on se saisissait des princes, qu’elle fit mettre à genoux le roi son fils, âgé de onze ans, et qu’ils prièrent Dieu dévotement ensemble pour le succès de cette expédition.
Les trois princes furent arrêtés en même temps dans une galerie du Palais-Royal, où on les avait attirés sous divers prétextes. On les fit descendre par un petit escalier obscur ; le prince de Condé dit alors : « Voudrait-on renouveler ici la scène de Blois ? » On les conduisit au château de Vincennes ; en route la voiture cassa, il fallut marcher dans la boue. En arrivant, on ne trouva rien de prêt, ni logis, ni souper ; le prince de Condé prit deux œufs frais, et dormit deux heures sur une botte de paille. C’était le seul des trois qui conservât son sang-froid et sa gaieté : le duc de Longueville était abattu ; le duc de Conti versait des larmes, et ne quittait pas le lit. Il demanda au gouverneur une Imitation de Jésus-Christ : « Et moi, monsieur, dit le prince de Condé, je vous demande une imitation de monsieur de Beaufort ». Deux ans auparavant, le 1er juin 1648, ce duc s’était sauvé du château de Vincennes.
Les princes étaient confiés à la garde d’un certain Bar, homme dur et ignorant, qui voulait forcer l’aumônier de la prison à leur dire la messe en français, parce que ne sachant pas le latin, il avait peur que le prêtre ne profitât de la cérémonie pour leur donner quelque avis. De Vincennes, ils furent conduits au château de Montagu à Marcoussy. Cette arrestation avait fait grand bruit dans les provinces gouvernées par les trois détenus. La duchesse de Longueville, outrée, se rapprocha alors de Turenne, afin de faire échapper les prisonniers. Mazarin, averti du complot fit transférer les détenus au fort du Havre. 
Leur emprisonnement dura treize mois. Le peuple avait célébré leur arrestation par des feux de joie ; il célébra de même leur retour. Ce fut le début de la Fronde des princes. La Bourgogne, la Normandie et l'Aquitaine rallumèrent la guerre civile. Fréderic-Maurice de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, décida d’agiter le Poitou et le Limousin avant de rejoindre Bordeaux. Il faudra attendre octobre 1652 et la contribution de l'armée royale pour mettre un terme à tous ces affrontements.
Dans un âge plus avancé, et se remémorant les temps de la Fronde, le Grand Condé méditait : " Je suis entré dans cette prison le plus innocent de tous les hommes, et j’en suis sorti le plus coupable. "
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