20 janvier 1666 – Jour de deuil au Louvre
Le 20 janvier 1666, Anne d'Autriche meurt au Louvre, à 65 ans, d'un cancer du sein apparu deux ans plus tôt. Ses souffrances sont accrues par l'acharnement des médecins. À son chevet, son fils aîné, le roi Louis XIV, en larmes, perd connaissance. Son deuxième fils, Philippe d'Orléans, tout aussi ému, reste auprès d'elle jusqu'à ses derniers instants. Anne d'Autriche a régenté le royaume pendant la minorité de son fils, jusqu'en 1661. Elle est inhumée à Saint-Denis. Son cœur est confié au Val-de-Grâce, le couvent qu'elle a fait ériger en reconnaissance à Dieu après la naissance de son fils aîné, couvent où elle aurait aimé finir ses jours si la maladie lui en avait laissé le loisir.
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Portrait d'Anne d'Autriche par Rubens en 1625 (Musée du Louvre) |
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En ce début de janvier 1666, au Louvre, couchée dans son lit à baldaquin tendu de velours à ramages bleus, Anne d’Autriche se meurt. Elle a soixante-quatre ans. Cela fait treize mois qu’elle souffre atrocement d’un cancer au sein gauche. Dans la ruelle, les médecins et les chirurgiens lui changent régulièrement ses pansements, tandis que derrière le balustre d’argent les courtisans défilent en inclinant discrètement la tête.
C’est le destin des reines d’enfanter et de s’éteindre en public. Ses deux fils, Louis XIV et Philippe, duc d’Orléans, la veillent, même la nuit. En novembre, on l’a ramenée du Val-de-Grâce en chaise à porteurs, après avoir badigeonné d’eau de chaux sa plaie gangrenée, que la profession médicale – Vallot, premier médecin du roi, en tête – a déclarée incurable.
On avait tout essayé : les saignées, les purges, les décoctions de rhubarbe et de séné, un remède à base de belladone et de lime brûlée, proposé par un empirique, un autre à base d’arsenic… En vain.
La puanteur règne à ce point dans la chambre que la malheureuse se protège le visage d’un éventail parfumé et que les femmes de chambre respirent de petits sachets de senteurs. Chaque jour, elle se confesse, se repent de ses péchés, de sa frivolité passée, de sa coquetterie ; après quoi les archiatres tentent de l’endormir avec du jus de pavot. "Je n’en puis plus", lui arrive-t-il de soupirer. Dans la longue attente résignée des jours qui passent, comment ne se remémorerait-elle pas sa vie ?
Sa première jeunesse à la cour de Madrid, en tant que fille aînée de Philippe III et de Marguerite d’Autriche, son mariage avec Louis XIII, âgé comme elle de quatorze ans, son arrivée sur les rives de la Bidassoa, ses craintes, ses attentes. D’infante espagnole, la voici reine de France. Hélas, c’est la désillusion. L’union n’est consommée que quatre ans plus tard. Son mari, timide, complexé, mélancolique et solitaire, la dédaigne, lui préférant la chasse et la guerre. Elle est pourtant jolie, fine, aimable, enjouée, mais, dans le fond, elle se sent étrangère à la cour et rêve de son pays natal. Surtout, elle doit supporter l’accusation de stérilité. En mars 1622, une fausse couche, provoquée par une course et une chute maladroite, en compagnie de sa chère amie la duchesse de Chevreuse, est cause de l’ire royale.
Après l’affaire Buckingham – la folle audace de ce bellâtre, ambassadeur anglais, qui s’est montré un peu trop entreprenant dans un jardin d’Amiens, avec la complicité de son mauvais génie, Mme de Chevreuse –, elle est surveillée, délaissée, humiliée.
Elle mène alors des intrigues désordonnées. Se lançant dans des conspirations contre Richelieu, elle est soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi au lendemain de l’entrée en guerre de la France contre l’Espagne en 1635. Lors du "complot du Val-de-Grâce" – qui a conduit à la découverte de ses correspondances secrètes avec ses deux frères, Philippe IV et le cardinal-infant, gouverneur des Pays-Bas espagnols –, elle est menacée de répudiation. Les naissances tardives de Louis, dit Dieudonné, en 1638, et de Philippe d’Anjou, futur duc d’Orléans, en 1640, assurent la succession française et affermissent enfin sa position.
Veuve en mai 1643, elle exerce la régence. C’est alors que, par amour maternel, oubliant son indolence naturelle, elle fait preuve d’énergie et de perspicacité, apportant son soutien indéfectible au successeur de Richelieu, le cardinal Mazarin, qui s’oppose au Parlement, à l’aristocratie frondeuse et aux ennemis de l’extérieur, Espagne comprise. L’attachement enflammé, quoique platonique, qu’elle éprouve pour ce bel Italien – il n’y eut jamais entre eux de mariage secret –, renforce l’unité du pouvoir. À la paix des Pyrénées, en 1659, elle est en mesure de remettre à son fils, majeur depuis huit ans, le plus puissant royaume d’Europe. Le mariage de Louis XIV avec sa nièce, l’infante Marie-Thérèse, la comble de bonheur.
Le 19 janvier 1666, sentant que la fin est proche, elle se fait administrer l’extrême-onction. Vers minuit, l’agonie commence. Le lendemain matin, vers cinq heures, cette femme de grande piété, qui avait soutenu avec constance l’action charitable de M. Vincent, pousse son dernier soupir en embrassant un crucifix. |
L'église Notre-Dame du Val-de-Grâce à Paris |
À la gouvernante de son fils, Mme de Montausier*, Louis fait cette remarque : "Elle n’était pas seulement une grande reine, elle mérite d’être mise au rang de nos plus grands rois !" N’est-ce pas la plus belle oraison funèbre ? Revêtu de la robe des tertiaires de Saint-François, le corps d’Anne est conduit à Saint-Denis et son cœur, transporté là où il avait longtemps battu, en son cher Val-de-Grâce. "
Texte de Jean-Christian Petitfils - Historien et écrivain.
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* Julie d'Angennes (1607-1671), duchesse de Montausier, depuis 1661, elle est la gouvernante des enfants de France et dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse. Les mémoires du temps lui reprochent ses complaisances pour les maîtresses de Louis XIV, notamment Mme de Montespan.
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Reine de France et de Navarre de 1615 à 1643
Régente du royaume de France de 1643 à 1651
Après la mort d’Henri IV, la reine mère Marie de Médicis décida de se rapprocher de l'Espagne en mariant son fils Louis XIII avec l'infante Anne, fille de Philippe III d'Espagne et de Marguerite d'Autriche. Le traité de Fontainebleau le 30 avril 1612 organisa cette union qui fut célébrée à Bordeaux le 28 novembre 1615.
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Anne d'Autriche Statue dans les jardins du Luxembourg (Paris) |
La reine était pieuse, belle et orgueilleuse. Elle ne put jamais s'entendre avec le roi. Celui-ci d'une nature froide, timide et cérémonieuse, fit peu pour lui plaire, d'autant plus qu'il tenait de son père la haine de l'Espagne et qu'il réprouvait la diplomatie de sa mère.
Pour sa part, Anne d'Autriche multiplia les imprudences en voulant se mêler de politique. Sa longue stérilité fut une cause supplémentaire de sa mésentente avec Louis XIII puisque ses deux fils, Louis (futur Louis XIV) et Philippe (futur duc d’Anjou puis duc d'Orléans) ne naquirent respectivement qu'en 1638 et en 1640.
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Louis XIII, roi de France de 1610 à 1643 |
Elle détesta très vite Richelieu et participa au complot de Chalais qui cherchait à assassiner le cardinal. Lors de la "
Journée des Dupes" du 10 novembre 1630, elle se rangea aux côtés de Marie de Médicis qui fut alors définitivement écartée du pouvoir.
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Cardinal de Richelieu (1585-1642) peint par Philippe de Champaigne |
Elle fut ensuite compromise dans l'affaire du Val-de-Grâce en 1637 qui fit scandale à la Cour : Richelieu put établir qu'elle entretenait une correspondance secrète avec son frère Philippe IV d'Espagne, alors en guerre contre la France.
Pour toutes ces raisons, le roi, qui se méfiait d'elle, organisa avant de mourir un conseil de régence présidé par la reine, de façon à ce qu'elle ne puisse pas prendre de décisions sans l'accord des autres membres de cette assemblée où siégeait notamment Mazarin, le successeur de Richelieu.
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Cardinal de Mazarin (1602-1661) l'éminence grise d'Ane d'Autriche |
Le 18 mai 1643, soit quatre jours après la mort de Louis XIII, Anne d'Autriche, fit casser le testament royal par le Parlement et se fit octroyer les pleins pouvoirs. Dès lors, elle gouverna sous l'influence de Mazarin, son Premier Ministre et son amant, que peut-être elle épousa secrètement par la suite. Elle lui apporte son soutien indéfectible pendant la Fronde, période au cours de laquelle elle montra une certaine habileté politique.
Contrainte de se réfugier à Saint-Germain-en-Laye (5 janvier 1649), elle fit assiéger Paris aux mains des Frondeurs et leur imposa la paix de Rueil le 1er avril.
Lorsque la révolte des princes qui exigeaient le renvoi de Mazarin prit une ampleur trop importante, la reine mère fit semblant d'abandonner son ministre. Le cardinal s'exila en Rhénanie (février 1651) tout en continuant à conseiller très activement la régente. Celle-ci le rappela après avoir divisé ses ennemis, le renvoya ensuite pour se rapprocher de Retz et le circonvenir en lui faisant miroiter le chapeau de cardinal.
Le prince de Condé, chef des frondeurs, ayant multiplié les erreurs politiques jusqu'à la trahison avec l'Espagne, Anne d'Autriche fut assez forte pour rentrer dans Paris le 21 octobre 1652 et faire arrêter Retz, prélude au retour de Mazarin en février de l'année suivante.
Anne d'Autriche n'a guère suscité la sympathie de ses contemporains ni celle des historiens (le portrait qu'en a tracé le cardinal de Retz dans ses "Mémoires" est d'une rare méchanceté). Il est vrai qu'elle était dure, sèche, autoritaire et trop intrigante.
Cependant, la résistance acharnée qu'elle opposa aux frondeurs pendant six ans a continué à sauver le pouvoir royal menacé. Elle ne joua plus aucun rôle à partir du gouvernement personnel de Louis XIV (1661) et entra dans la retraite de Val-de-Grâce dont elle avait fait construire l'église sur les plans de l’architecte Mansart. Elle y mourut le 20 janvier 1666.
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