jeudi 12 janvier 2023

Pierre de Fermat (1601?-1665)


12 janvier 1665 - Mort de Pierre de Fermat


Un mystère plane toujours quant à l'endroit où se trouve la tombe de Pierre de Fermat.
Le génial mathématicien, est-il réellement enterré sous la place Jean Jaurès à Castres ? 
Son tombeau se trouve-t-il dans l'église du couvent des Augustins à Toulouse, 
qui depuis 1795 est un musée ?
Mystère?
Pierre de Fermat (1601?-1665)
Magistrat, poète, polymathe et mathématicien français
surnommé le "Prince des amateurs"
"... Mathématicien et magistrat la carrière de Pierre de Fermat s'est déroulée entre les villes de Toulouse et de Castres. Certes, c'est à Toulouse qu'il a vécu la plus grande partie de sa vie, d'abord comme commissaire aux Requêtes puis comme conseiller au Parlement. Mais il a siégé également pendant plusieurs années à la Chambre de l'Édit, alors établie à Castres, et c'est dans cette ville qu'il meurt le 12 janvier 1665.

"... Fermat revient à Castres en novembre 1663 ; il y retrouve son fils cadet Jean, alors chanoine au chapitre cathédral. Ce séjour qui doit se prolonger d'une année en raison du renouvellement de sa Commission, va être interrompu par la mort, le 12 janvier 1665.

"... Un codicille, rédigé le 13 septembre 1664, à son testament apporte quelques précisions sur ses derniers mois à Castres. Dans le préambule, Fermat indique qu'il est "incommodé d'une maladie qui pourrait avoir de mauvaises suites" puis il précise les avantages faits à sa femme dans son testament dont il confirme les autres dispositions. C'est le jour même de sa mort, le 12 janvier 1665, que Pierre de Fermat, "alyté dans son lit... à cause de certaine maladie et indisposition corporelle, ayant toutefois son bon sens, mémoire, entendement et parfaite cognoissance", confie au notaire ce codicille préalablement "cousu de soye noire et cacheté de son cachet ordinaire avec cire rouge en dix endroits" voulant qu'il demeure secret jusqu'à son décès.

"... Ainsi se trouve infirmée la tradition, longtemps vivace à Castres, qui voulait que Fermat soit mort subitement au cours même d'une audience à la Chambre de l'Édit.

"... Il faudrait pouvoir maintenant préciser la destinée de sa dépouille mortelle. Deux certitudes seulement : tout d'abord on sait que Pierre de Fermat a été inhumé le 13 janvier 1665 dans la chapelle des Révérends Pères de Saint-Dominique "où les Messieurs du Vénérable Chapitre ont fait l'Office" ; le registre des orbituaires précise  "la dite sépulture est dans le balustre du costé du septentrion et il y a une pierre, son nom inscrit dessus ". Ensuite, M. Pierre Salies a établi sans conteste que le reçu de " Mademoiselle de Fermat, veuve à Monsieur Fermat, pour la présence des religieux à l'enterrement de M. Fermat ", en date du 24 décembre 1675, ne correspond pas au transfert des cendres du conseiller en la Chambre de l'Édit, dans le mausolée élevé par son fils dans la chapelle des Augustins de Toulouse, mais à l'enterrement de Christophe Fermat, marchand chandelier à Toulouse.

"... On ne peut maintenant que formuler des hypothèses : il nous paraît peu probable que le corps de Fermat ait été transféré à Toulouse ; les transferts de corps sont rares à cette époque et ils sont le plus souvent signalés dans les registres. Par contre, le fait capital est que la chapelle des Jacobins, rapidement rebâtie en 1598 au retour des frères Prêcheurs dans la ville, détruite à nouveau en 1622 lors des guerres du duc de Rohan et reconstruite à partir de 1632, a été remplacée par une nouvelle chapelle dont la construction a commencé le 20 juin 1665 ; mais l'ouverture de l'église n'a été réalisée qu'en 1678 et les travaux d'aménagement se sont poursuivis jusqu'après 1700.

"... La chapelle, où a été inhumé Fermat, a été transformée à la fin du XVIIe siècle, puis démolie au XIXe siècle, ainsi que tout le couvent, sans qu'à aucun moment ne soit mentionné le transfert des corps qu'elle contenait. On peut regretter que la tombe de Fermat n'ait pas résisté aux injures du temps et surtout à l'indifférence des hommes. La présence de cette tombe n'ajouterait certes rien à la gloire du mathématicien, mais elle serait un prestigieux témoignage d'un moment capital de l'histoire de Castres. ..."

Extrait du "Fermat à Castres" de Dr Pierre Chabbert. (Revue d’histoire des sciences – 1967)
Plaque posée Place Jean Jaurès à Castres
où Fermat a été enterré
On peut y lire :
En ces lieux le 13 janvier 1665 a été enseveli
Pierre de Fermat
conseiller à la chambre de l'Edit
et mathématicien de grand renom
célèbre pour son théorème,
aⁿ + bⁿ ≠ cⁿ pour n > 2

Qui était Pierre de Fermat ?

Pierre Fermat est né à Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn-et-Garonne. On ignore la date exacte. Pour certains le 20 août 1601, pour d’autres le 31 octobre 1605 et d’autres encore entre 1607 et 1608.

Issu d’une famille bourgeoise, il fait ses études à Toulouse qu’il poursuit à Orléans pour devenir bachelier en droit civil.

En 1630, il est nommé conseiller du roi à la Chambre des requêtes au Parlement de Toulouse et à partir de 1648, il accède à des fonctions plus élevées hiérarchiquement, à la Chambre Criminelle et la "Grand’Chambre"**. Puis en 1648, il devient membre de la Chambre de l'Edit de Castres.

Ses fonctions de magistrat lui assurent des revenus aisés accommodés d’un domaine d’environ 140 hectares de bonnes terres de culture. Par ailleurs, ses hautes responsabilités parlementaires lui permettent d’ajouter une particule de noblesse à son nom pour devenir Pierre de Fermat. 

Mais aux dires de certains, ce n’est pas par ses qualités professionnelles que Fermat est reconnu. Il serait même un médiocre magistrat. En revanche, ses activités scientifiques pour lesquelles il s’adonne en amateur, le consacrent comme un génie de son temps. Il ne s’intéresse aux mathématiques que par plaisir, adore la démonstration et propose des méthodes innovantes. 

Pourtant Fermat ne publiera rien de son vivant ; l’essentiel de ses travaux se dispersent au travers de correspondances avec quelques-uns des plus grands scientifiques de son temps tels que Galilée (1564-1642), René Descartes (1596-1650), Blaise Pascal (1623-1662) ou Marin Mersenne (1588-1648).
Marin Mersenne (1588-1648) Religieux,
Physicien, mathématicien et Philosophe français
En 1632, Fermat rencontre pour la première fois Pierre de Carcavi (1600?-1684), un autre conseiller au parlement de Toulouse avec lequel il se lie d’amitié et partage son goût pour les sciences. C’est avec lui et Mersenne que Fermat traite de problèmes sur la chute des corps déjà exposés par Galilée.
Pierre de Carcavi (1600?-1684),
Conseiller au Parlement de Toulouse et
mathématicien français
En parallèle avec Descartes, avec qui Fermat correspond et n’est pas toujours en accord, il développe la notion de représentation graphique d’une fonction. Pour Descartes, le repère permet de résoudre un problème de géométrie alors que Fermat part directement d’une expression algébrique pour tracer la courbe. 

Ses travaux en analyse sont les bases du calcul différentiel que reprendront un peu plus tard Isaac Newton (1643-1727) et Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716). Fermat approche la notion de dérivée pour trouver les minima et maxima de fonctions polynômes et développe une méthode d’intégration proche de celle utilisée aujourd’hui.
René Descartes (1596-1650)
mathématicien, physicien et philosophe français
Dans leurs correspondances, Fermat et Pascal exposent une théorie nouvelle : les calculs de probabilités. Ils s’intéressent à la résolution de problèmes de dénombrement comme par exemple celui du Chevalier de Méré : "Comment distribuer équitablement la mise à un jeu de hasard interrompu avant la fin ?" (le paradoxe du Chevalier Méré). 

L'ensemble des résultats de leurs recherches sera publié en 1675 par Christiaan Huygens (1629-1695) dans son ouvrage "De ratiociniis in ludo aleae".
Blaise Pascal (1623-1662),
Mathématicien, physicien, moraliste, philosophe,
inventeur et théologien français
Mais ce qui passionne le plus Fermat, ce sont les problèmes de l’Antiquité. Il expose et développe des travaux d’arithmétique de Pythagore de Samos (569avJC-475avJC), Euclide d'Alexandrie (320avJC-260avJC), Archimède de Syracuse (287avJC-212avJC), Eudoxe de Cnide (408avJC-355avJC) et Diophante d'Alexandrie (IIIème siècle de notre ère). C’est dans l’ouvrage de ce dernier, "Les Arithmétiques" que Fermat renferme toutes ses recherches sur la théorie des nombres. Il y laisse de nombreux énoncés non démontrés que plus tard le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) tentera de résoudre. On y trouve en particulier l’un des problèmes les plus célèbres de l’histoire des mathématiques : "La conjecture de Fermat" :

 " L’équation xⁿ + yⁿ = zⁿ n’a pas de solution avec x, y, z > 0 et n > 2 "

Cet ouvrage annoté par Fermat sera publié par son fils juste après sa mort en 1665. 

Grace à Fermat l'arithmétique devient une branche des mathématiques à part entière qui se sépare alors de la géométrie.

Nous devons aussi à Fermat le raisonnement par l’absurde qui pour démontrer une affirmation, consiste à supposer l’hypothèse contraire comme vraie dans le but d’aboutir à une contradiction. L’hypothèse contraire étant fausse, l’affirmation est donc vraie. 

Un exemple célèbre de démonstration par l’absurde : Soient deux hypothèses :
- Socrate est un homme
- Les hommes sont mortels
Démontrons par l’absurde que "Socrate est mortel". Pour cela, supposons le contraire : "Socrate est immortel". Puisque les hommes sont mortels, Socrate n’est pas un homme. Mais ceci est contradictoire avec la première hypothèse "Socrate est un homme". La proposition de départ "Socrate est immortel" est donc fausse, son contraire est alors vrai : "Socrate est mortel".

Qu'est-ce que la "conjecture de Fermat"

En mathématiques, on appelle conjecture, une règle qui n'a jamais été prouvée. On a vérifié cette règle sur beaucoup d'exemples mais on n'est pas sûr qu'elle soit toujours vraie. Mais pourquoi la conjecture de Fermat a-t-elle été la plus célèbre d'entre toutes ? 

Tout commence par le théorème de Pythagore. 

Nous savons qu’il existe des solutions à l’équation x² + y² = z². Ce sont les longueurs des côtés d’un triangle rectangle, aussi appelés triplets pythagoriciens. Par exemple, (3, 4, 5) en est un. Le mathématicien français Pierre de Fermat se pose alors la question suivante : si l’on remplace les carrés par des cubes, existe-t-il des solutions non nulles à l’équation x³ + y³ = z³ ? Essayons par exemple 3³ + 4³ = 91, mais 91 n’est pas un cube … Fermat en arrive à affirmer que ce n’est pas possible pour les cubes ni même pour aucune puissance strictement supérieure à 2. 

"Un cube n'est jamais la somme de deux cubes, une puissance quatrième n'est jamais la somme de deux puissances quatrièmes et plus généralement aucune puissance supérieure à 2 n'est la somme de deux puissances analogues." 

Et Fermat ajoute : "J’ai trouvé une merveilleuse démonstration de cette proposition, mais la marge est trop étroite pour la contenir" .
La fameuse marge annotée par Fermat dans "Les Arithmétiques"
Affirmation que Fermat, farceur ou vantard, n’est très certainement jamais arrivé à démontrer !!! 

L'énoncé de la "conjecture de Fermat" dans le langage d’aujourd’hui donne : 
"L’équation xⁿ + yⁿ = zⁿ n’a pas de solution en entiers strictement positifs, pour tout entier n strictement supérieur à 2. " 

Fermat établira tout de même une preuve pour n = 4. Plus tard, le suisse Leonhard Euler (1707-1783) propose une démonstration pour n = 3. En 1828, l’allemand Peter Lejeune-Dirichlet (1805-1859) la démontre pour n = 5, puis en 1840, Gabriel Lamé (1795-1870) et Joseph Liouville (1809-1882) pour n = 7. 

La course folle après la conjecture de Fermat est lancée. Les plus grands mathématiciens et savants s’affrontent pour être le premier à venir à bout de cette étonnante conjecture à l'énoncé si simple mais dont la démonstration semble inaccessible. Il faut dire que des récompenses très appréciables sont promises. L’Académie des sciences de Paris promet une médaille d’or et une somme de 300 000 francs or. 

C’est en 1993 que la conjecture défraie la chronique. Les médias de toutes parts annoncent la fin de ce grand mythe des mathématiques, qui résistait depuis plus de 350 ans à toutes les démonstrations. Le gagnant s’appelle Andrew Wiles, un anglais né à Cambridge en 1953. Sa mère, professeur de mathématiques l’initie très jeune au maniement des nombres. C’est à l’âge de 10 ans qu’il tombe dans la "conjecture de Fermat" en empruntant à la bibliothèque un manuel d’histoire des mathématiques relatant les travaux du mathématicien français. 

"Cela avait l’air si simple, et pourtant aucun des grands mathématiciens de l’histoire n’avait pu le résoudre." dira Wiles à la première lecture de l'énoncé.

Pas si simple, car il faudra au mathématicien anglais sept années d’isolement et de labeur pour arriver à bout, (croyait-il ?) le 23 juin 1993 de la conjecture de Fermat. 

A l’Institut Isaac Newton de Cambridge, Il expose sa démonstration devant une assemblée de savants. L'idée de Wiles est remarquable, en passant par les courbes elliptiques, il unifie différentes branches des mathématiques pour prouver la conjecture de Fermat... Mais après plusieurs semaines, on s’aperçoit que sa preuve comporte une faille. 
Andrew Wiles 
Même si Wiles tente corriger son erreur, après ce revers, c'est le doute puis le désarroi qui l'emportent. Quand le matin du lundi 19 septembre 1994, assis à son bureau, Wiles a de façon tout à fait inattendue une incroyable révélation. Il réalise ce qui empêche sa démonstration de fonctionner et se remet alors au travail. 

En mai 1995, il publie la correction de sa démonstration qui est ensuite officiellement reconnue dans le monde scientifique. Celle-ci fait tout de même plus de 1000 pages. Fermat avait raison de dire qu’elle ne pouvait tenir dans sa marge !!!  

Il reçoit alors un prix spécial par le congrès international des mathématiciens qui attribue habituellement la médaille Fields (l’équivalent du prix Nobel en mathématiques)*, le prix Fermat en 1995 et surtout la fierté de voir la conjecture de Fermat changer de statut et de nom pour devenir le Théorème de Fermat-Wiles.
Statue de Pierre de Fermat
à Beaumont-de-Lomagne

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* Ayant dépassé l'âge de quarante ans au moment de sa découverte, il n'a pas pu être honoré de la médaille de Fields.

** La Grand’Chambre : cette salle (anciennement "salle neuve" dans le château narbonnais, détruit en 1549) est aujourd’hui la première chambre de la cour d’appel de Toulouse.
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