jeudi 5 janvier 2023

L'attentat de Damiens

 

5 janvier 1757 – Le roi est poignardé

Depuis Ravaillac, en 1610, aucun individu n’avait osé attenter à la personne sacrée du Roi. En 1757, alors que Louis XV sort du Château, un homme se précipite et lui porte un coup au flanc. Il s’appelle Robert-François Damiens.

L'attaque de Damiens alors que Louis XV
monte dans son carrosse
En ce 5 janvier 1757, alors que la cour est au Grand Trianon, plus facile à chauffer que Versailles, Louis XV rend visite à sa fille Victoire, alitée au Château de Versailles. Un carrosse attend le roi Louis XV dans le passage couvert qui va de la cour royale au parterre nord.

Vers 18h00, le souverain descend son escalier intérieur et traverse la salle des gardes du corps. Il est accompagné du Dauphin, du capitaine des Gardes du roi, des Grand et Petit écuyers et du colonel des Gardes suisses. Il fait nuit. Au sortir de la pièce, éclairée par des torches, alors qu’il s’apprête à monter dans son carrosse, le roi est assailli par un individu, qui ayant fendu la haie des gardes, le frappe violemment. L’agresseur est rapidement maîtrisé et remis au capitaine des gardes. C’est alors que Louis XV crie "Qu'on l'arrête et qu'on ne le tue pas !".

Portant la main au côté droit, le roi pense qu’on lui a donné un coup de coude ou de poing, selon les sources. Mais sa main est ensanglantée. Le un canif à lame de 8 cm a pénétré entre la 4e et 5e côte. Le premier chirurgien, La Martinière, sonde la blessure mais celle-ci se révèle heureusement superficielle. Les nombreuses couches de vêtement, nécessaires à cause de l'hiver, ont amorti la plus grande force du coup, et aucun organe vital n’est touché.

On transporte Louis XV dans sa chambre. Il saigne abondamment. Choqué, il finit par s’évanouir. Revenu à lui, il croit qu’il va mourir. Il réclame un prêtre, confie le royaume au Dauphin et demande pardon à la reine des peines qu’il lui a infligées.

Portrait (supposé) de Robert-François Damiens
Le coupable est un domestique originaire d'Arras. Robert-François Damiens a 42 ans et a servi plusieurs conseillers au Parlement, très critiques envers le roi et la marquise de Pompadour. Ces critiques régulières sont montées à la tête de Damiens, au caractère influençable et exalté.

Arrêté, celui-ci est soumis au supplice. On veut savoir s’il a des complices. Il ne dit rien. Il dénonce quelques parlementaires comme complices, puis se rétracte. Il dit seulement : "Si je n’étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n’eusse servi que des gens d’épée, je ne serais pas ici.".

Le Parlement, ne voulant pas être mis en cause, exige un procès, et Louis XV, qui avait accordé son pardon au laquais, accepte finalement qu’il soit jugé. Transporté à la Conciergerie, comme Ravaillac, son procès a lieu du 12 février au 26 mars. Lors de son procès il justifie ainsi son geste : "Je n’ai pas eu l’intention de tuer le roi, je l’aurais tué si j’avais voulu. Je ne l’ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi et le porter à remettre toutes choses en place et la tranquillité dans ses États ". 

Une fois la sentence prononcée, lors du procès, Damiens aurait eu cette phrase laconique, restée célèbre "la journée sera rude".

Gravure du supplice de Damiens,
le 28 mars 1757 en place de Grève
Damiens s’est rendu coupable du crime suprême : celui de "parricide commis sur la personne du roi" et donc de lèse-majesté, il est condamné au châtiment des régicides. Le 28 Mars, il est conduit, nu, à la Place de Grève, puis, sur un échafaud, il est tenaillé aux mamelles, bras, jambes, sa main droite tenant le couteau parricide, brûlée au feu de soufre. Sur les endroits où il est tenaillé, on jette du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante. Ensuite, c’est l’écartèlement, son corps tiré et démembré par quatre chevaux… puis c’est le bucher, son corps est brûlé et les cendres jetées dans la Seine.

Depuis le début, le roi sait qu’il s’agit d’un acte isolé. Quoique remis de sa blessure au bout de huit jours, il est toujours commotionné. L’attentat a laissé des séquelles. Devant l’émoi général, Louis XV entend changer d’attitude. Il veut regagner la confiance de ses sujets, renoncer à ses maîtresses et préparer le Dauphin à sa succession. Sages décisions... qui ne dureront qu’un temps : Mme de Pompadour, un temps inquiétée, reprend bien vite sa place et règnera sur l’esprit du roi jusqu’à sa mort en 1764. Louis XV lui survit dix ans, aussi mal aimé qu’il fut le "Bien-Aimé"… 

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Qui était Robert-François Damiens ? 

Robert-François Damiens est né le 9 janvier 1715 rue d’Allongeville (actuelle rue du Calvaire) à La Thieuloye (Pas-de-Calais), qui était alors un hameau de Monchy-Breton. Son père Pierre-Joseph Damiens, simple ménager, épouse Marie-Catherine Guillemant en 1710. 

À cette époque, l’Artois est traversé par les guerres, la famine et une épidémie de peste qui fait des ravages. Sa famille est pauvre et Voltaire décrira Damiens comme "un gueux du pays de l’Atrébatie"*. 

Robert-François est le troisième des dix enfants du couple. Sa mère meurt en couches en 1729 laissant six enfants vivants. 

Robert-François est placé chez un grand-oncle maternel cabaretier et marchand de grain à Béthune. Là, il apprend à lire et à écrire. 

À seize ans, il est placé en apprentissage comme garçon de cuisine à l’abbaye Saint-Vaast. Plus tard, il entre comme valet de réfectoire au collège jésuite Louis-le-Grand à Paris. 

C’est dans cette ville qu’il épouse en 1739 Élisabeth Molerienne, domestique elle aussi. Ensemble ils ont deux enfants, dont un fils qui meurt en bas âge. 

Damiens multiplie alors les emplois de domestique et côtoie les milieux privilégiés et les magistrats parisiens. Valet chez certains conseillers du Parlement de Paris, il entend récriminations et critiques parfois virulentes contre le roi. 

En 1756, sous le pseudonyme de Flamand, il commet un vol chez l’un de ses maîtres. Le vol domestique est alors passible de la peine de mort par pendaison. 

Damiens fuit en Artois où il retrouve sa famille qui vit dans le dénuement. La situation en Artois au cours de cet hiver 1756-1757 est difficile. Le prix du blé s’est envolé et le peuple est misérable. 

Il revient à Paris en janvier 1757 et conçoit le dessein de "toucher" le roi, pour attirer son attention et lui faire entendre la voix du peuple méprisé. 

Le 5 janvier, Louis XV se rend à Versailles : Damiens se fraye un chemin jusqu’au roi qui rejoint son carrosse, … 


Sources : Château de Versailles, Archives du Pas-de-Calais

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* Atrébatie : ancienne communauté de communes française, située dans le département du Pas-de-Calais et de la région Nord-Pas-de-Calais, arrondissement d’Arras, devenue communauté de communes des Campagnes de l’Artois depuis le 1er janvier 2017. 

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