11 janvier 1443 - De Montauban à Montmorillon
En 1436, Étienne de Vignolles, dit " La Hire ", reçut du roi Charles VII la baronnie de Montmorillon en récompense de sa brillante carrière militaire menée en partie aux côtés de Jeanne d’Arc. On ne sait pas s’il est venu à Montmorillon, mais c’est dans cette ville qu’il se fit enterrer, après sa mort à Montauban le 11 janvier 1443.
Dessin du gisant d'Etienne de Vignolles avant la Révolution |
Après une très longue carrière militaire, sillonné durant des années la France dans tous les sens, "... Pour son ultime voyage, La Hire retourne dans le pays qui l’a vu naître : l’Aquitaine. Peut-être s’y est-il rendu en l’une ou l’autre occasion, durant ses longues années de carrière, pour traiter avec les comtes de Foix, mais il n’y est certes jamais resté. Charles VII est celui qui va ramener La Hire dans le midi.
"Alors qu’ils assiégeaient Pontoise, la ville de Tartas était tombée et le cadet du sire d’Albret avait été fait prisonnier. Charles d’Albret, dès lors, s’était porté au-devant du roi pour demander son aide : les Anglais avaient convenu qu’une bataille rangée déciderait du sort de la ville de Tartas et des domaines de la maison d’Albret."
"En effet, les rois de France et d’Angleterre, à un jour donné (le 1er mai 1442), devaient présenter leurs armées respectives devant Tartas : celle qui l’emporterait sur l’autre gagnerait la ville et sécuriserait les domaines d’Albret. Charles VII entend l’affaire et décide, avec toute son armée déjà rassemblée, dont il gonfle encore les rangs, d’aller lui-même au-devant du défi. La Hire, sans surprise, accompagne le roi."
"L’armée est magnifique, elle aurait compté 32 000 hommes. Mais arrivés devant Tartas, les Anglais brillent par leur absence. Fort de son grand rassemblement militaire, Charles VII en profite néanmoins pour manœuvrer jusqu’à la fin de l’année en Guyenne et s’emparer d’une série de places fortes. Alors que ses troupes commencent à manquer de vivres, il se rabat vers Montauban en janvier 1443, et c’est là que La Hire, épuisé par toutes ses courses, passe de vie à trépas, pour le plus grand déplaisir du roi, qui voit ainsi disparaître l’un de ses plus fidèles et plus efficaces capitaines d’armée...." (Texte de Jonathan Bloch, extrait de sa thèse pour l'obtention de grade de Master - Université catholique de Louvain-la-Neuve.)
Il meurt à Montauban, d'épuisement, le 11 janvier 1443, âgé de 53 ou 63 ans. Sa femme fait rapatrier le corps à Montmorillon. Rien n'affirme qu'il s'agisse du choix du défunt. Il est probable que sa veuve ait souhaité imprimer sa présence à Montmorillon avant de revendre le viager de la seigneurie, 6.000 écus d'or.
Son corps fut placé dans le chœur de l’église Saint-Laurent-Saint-Vincent de la Maison-Dieu, sous un gisant où le baron de Montmorillon figurait en armure en partie recouverte par une courte tunique garnie de sept ceps de vigne, la tête sur un coussin, les mains jointes, un lévrier à ses pieds, symbole de fidélité.
Eglise Sain-Laurent-Saint-Vincent de la Maison-Dieu à Montmorillon |
En 1562, la Maison-Dieu est mise à sac par les protestants et le gisant est mutilé. Ironie de l’histoire, les soldats venaient d’Orléans, ville que La Hire avait contribué à sauver en 1429. Puis, vers 1640, le gisant est déplacé par les moines Augustins dans une niche à gauche au milieu de l’église, au motif qu’il gêne les offices religieux. Il y était encore visible en 1649, date à laquelle Charles Demaillasson rapporte dans ses mémoires l’inhumation de François Ladmirault, ancêtre du général, "dans le milieu de l’église, vis-à-vis d’un mausolée qui est dans la muraille".
Les Révolutionnaires l'ont détaché pour en faire Lepeletier de Saint-Fargeau (Révolutionnaire proche de Robespierre, assassiné en 1793.). Les Thermidoriens (Opposés à Robespierre) ont mis fin au processus. Le gisant brisé se trouverait dans les fondations des maisons du quartier.
En 1839, une pierre tombale commémorative gravée fut installée aux frais de l’État, en présence du sous-préfet et du maire, dans l’entrée de l’église à droite. Mais elle fut ensuite reléguée sous l’escalier du clocher, jusqu’à ce qu’en 1893, cet emplacement ayant été jugé inconvenant, on la fît revenir le long du mur à gauche à proximité de l’entrée où elle n’est plus guère mise en valeur à l’heure actuelle.
Pierre tombale du Chevalier La Hire, dans la chapelle du Petit Séminaire à Montmorillon |
Qui était vraiment Etienne de Vignolles dit "La Hire" ?
Il est né vers 1390, en un lieu encore discuté, mais situé dans le Landes, soit Hinx, soit Préhacq. Son vrai nom est Etienne de Vignolles. Son surnom de La Hire n'est pas expliqué. Il était courant que les hommes d'armes portent un surnom qui pouvait provenir d'une caractéristique physique, d'un défaut caractéristique ou d'un nom de lieu. L'explication la plus répandue est que La Hire vient du caractère coléreux (l'ire en ancien français) d'E. de Vignolles, mais on peut supposer aussi une référence à son origine géographique : Hinx, ou deux localité située près de Vignolles : la Hite ou Larehille.
Sans qu'on sache trop de choses sur son parcours de jeunesse, on peut noter que les lieux de ses premiers exploits se situent dans les territoires ayant appartenu au duc Louis d'Orléans : Coucy, le Luxembourg. On peut supposer qu'il y est venu dans les bagages du comte d'Armagnac, beau-père et commandant des troupes du duc Charles d'Orléans. C'est en 1418 qu'on le trouve mentionné pour la première fois : il tient garnison à Coucy en compagnie de Pierre de Xaintrailles. Lors de la reprise de Coucy par les Bourguignons, Pierre de Xaintrailles se fit tuer. Dès lors on voit souvent La Hire opérer en compagnie de Jean Poton de Xaintrailles, frère du défunt. La prise de Coucy fut assez rocambolesque : une servante du château s'était éprise d'un des prisonniers, pour le libérer, elle avertit les Bourguignons de se tenir prêts, déroba les clés de la ville que la Hire gardait dans sa chambre, en profitant de son sommeil, et ouvrit les portes. Averti par le bruit de l'assaut, La Hire tenta de repousser les assaillants en contre-attaquant presque seul, mais, forcé de battre en retraite, il fit égorger ses prisonniers.
En 1419 il s'empare de Crépy, du Crotoy, mais il en est chassé par Philippe le Bon en janvier 1420. Il opère alors plus à l'est, et ravage la Lorraine : il y était venu avec le capitaine Jean Raoulet pour soutenir René d'Anjou, héritier du duc Charles de Lorraine, attaqué par le duc de Bourgogne (c'est le moment, semble-t-il, où la famille de Jeanne se replie sur Neufchâteau).
Mais en 1422 Charles de Lorraine change d'alliance et se rallie au duc de Bourgogne et au roi d'Angleterre, La Hire et Raoulet brûlent alors 18 villages à une soixantaine de kilomètres de Domremy. A Sermaize, le mari de la cousine germaine de Jeanne d'Arc est raflé par les Bourguignons pour combler les douves d’une place forte prise par les Français. Il est tué d'un coup de couleuvrine par un homme de La Hire. Ce dernier est ensuite repoussé à Saint-Dizier. Il opère alors à partir de Compiègne. Capturé, il paye rançon.
En 1423, il attaque Châlons-sur-Marne.
En 1424, il évacue Vitry-le-François, ravage les marches du Luxembourg (Longwy, Flassigny, Verdun, Sedan). Puis se retire en direction du Maine. En 1426 il est nommé écuyer d'écurie de Charles VII, c'est à dire qu'il est désormais recruté à titre permanent comme subordonné des maréchaux de France, eux-mêmes adjoints au connétable.
Il est mentionné en 1427 à la "rescousse de Montargis" : il y assure la reconnaissance des forces anglaises pour le compte du Bâtard d'Orléans avec 60 lances, dont le sgr de Graville, Brangonnet d'Arpajon, Saulton de Mercadieu. Avant l'assaut, il avise un chapelain à qui il demande de lui donner l'absolution en vitesse, car il n'a pas de temps à perdre, et en guise de confession lui dit qu'il a fait "ce que les gens de guerre ont accoutumé à faire", ce qui n'est pas peu dire.
En manière de prière, La Hire dit alors :
"Dieu, je te prie que tu fasses aujourd'hui pour La Hire autant que tu voudrais que La Hire fit pour toi, s'il était Dieu et que tu fusses La Hire".
L'attaque, vigoureusement menée, est une victoire, dont le mérite est attribué à La Hire. Au cours du combat, Saulton de Mercadieu fut frappé d'une lance qui lui traversa la bouche. Il la retira lui-même et poursuit la lutte.
En 1428, avec d'autres capitaines : Beaumanoir, d'Orval, de Bueil, Roberton des Croix, La Hire attaque et prend Le Mans, mais en est chassé par Talbot. Il arrive à Orléans le lundi qui suit la prise des Tourelles par les Anglais, soit le 25 octobre. Il participe à la Bataille des Harengs.
En 1429 il est présent lors de l'arrivée de Jeanne, commande la seconde armée de secours entre Blois et Orléans, et lors de la levée du siège, passant outre les désirs de Jeanne, il poursuit les Anglais en retraite jusqu'à Beaugency, les obligeant à abandonner leurs prisonniers et leur artillerie. Le 18 juin, à Patay, il commande l'avant-garde avec Xaintrailles et Boussac, où ils bousculent, avec 180 hommes, toute l'armée anglaise forte de 3.000 à 4.000 combattants. Puis il participe à toute la campagne du sacre.
En 1431, il s'empare de Louviers, à quelques kilomètres de Rouen, et y reste pendant toute la durée du procès de Jeanne. Il est possible qu'il ait mis sur pieds à ce moment-là un plan d'attaque du château de Rouen, car en 1432 un certain Ricarville réussit effectivement à s'emparer du château du Bouvreuil, mais ne réussit pas à en ressortir. Au lendemain de la mort de Jeanne d'Arc, les Anglais battent La Hire à la bataille du Berger, ainsi appelée parce qu'un berger, remplaçant de Jeanne d'Arc, y fut pris et noyé par les Anglais. La Hire fut envoyé en prison à Dourdan, dont il s'évada quelque temps plus tard, peut-être avec la complicité même de son geôlier, Jean de Mazis.
De 1433 à 1435 il fut nommé capitaine de Beauvais, et en 1435, à Gerberoy, il coince et défait en bataille rangée le comte d'Arundel, qui mourra peu après de ses blessures.
Fait seigneur de Montmorillon en janvier 1436, il épouse Marguerite de Droisy, dont il n'aura pas d'enfant.
Il meurt le 11 janvier 1443 à Montauban,
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Au XVIIe siècle, La Hire devient le nom donné au valet de cœur dans les jeux de cartes.
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