4 janvier 1960 – Camus n’est plus !
Le 4 janvier 1960, le monde des lettres apprenait, consterné, la mort brutale dans un accident de la route de l'écrivain Albert Camus (46 ans) qui avait théorisé l'absurdité de la condition humaine et combattait aussi l'absurdité d'un conflit cruel qui ravageait sa terre natale, l'Algérie...
Albert Camus (1913-1960), décédé le 4 janvier 1960, mais toujours actuel |
Il est 14 h 15. La voiture de Michel Gallimard fait une brusque embardée sur la route à la hauteur de Villeblevin, dans le nord de l'Yonne. Le véhicule s'écrase contre un platane. L'écrivain, qui occupe le siège avant-droit, est tué sur le coup. Son corps est transporté à la mairie de Villeblevin avant d'être enterré, deux jours plus tard, à Lourmarin. Michel Gallimard, sa femme et sa fille, éjectés de la voiture, sont transportés à l'hôpital de Montereau, où l'éditeur décède cinq jours plus tard des suites de ses blessures.
La piste d'un accident dû à la vitesse est privilégiée. Albert Camus et la famille Gallimard s'étaient arrêtés le midi à Sens, pour se restaurer, dans un l'hôtel-restaurant de la ville, et l'hypothèse de la somnolence semble peu plausible. À l'époque, les gendarmes retiennent l'éclatement du pneu arrière gauche de la voiture et une vitesse excessive (estimée à près de 150 km/h, ce qui est énorme pour l’époque !) comme explication.
La mort du Prix Nobel de littérature 1957 provoque un choc dans le monde littéraire et bien au-delà.
"C’est une des plus grandes pertes qui pouvait atteindre les lettres françaises en ce moment. Les lettres françaises mais il faudrait dire : la France. Toute une génération a pris conscience d’elle-même et de ses problèmes à travers Camus. Le prix Nobel avait été donné au jeune maître de la jeune élite européenne. Et c’est toute la jeunesse qui le pleure en ce moment". François Mauriac dans les colonnes de La Dépêche.
On retrouve dans la voiture, après l'accident, au fond d’une sacoche, les feuillets d'un manuscrit qui deviendront le roman inachevé Le Premier Homme... ainsi qu'un billet de train.
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Albert Camus naît le 7 novembre 1913 dans un village à plus de 400 km d'Alger. Il est le fils de Lucien Camus, ouvrier agricole mort pendant la Grande Guerre, et de Catherine Sintes, jeune servante d'origine espagnole. Son éducation est confiée à sa mère et sa grand-mère.
Camus fréquente l'école communale jusqu'en 1924. Cette période est marquée par l'influence de son instituteur de l'époque, Louis Germain qui le remarque pour ses dispositions exceptionnelles.
En 1924, Albert rejoint le lycée Bugeaud à Alger, en khâgne. Boursier, il découvre la philosophie et s'inspire de son professeur et ami Jean Grenier. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1930, Camus étudie la philosophie. Mais sa santé est très fragile, en raison d'une tuberculose qui l'oblige à de fréquentes cures de repos. Il doit renoncer à devenir professeur.
En 1932, les premiers écrits de Camus sont publiés dans Sud.
En 1934, à 21 ans, il entre au Parti communiste mais son engagement tourne court : il en veut à ses "camarades" de persister à soutenir le colonialisme (le Parti tournera casaque après la guerre) ! trois ans plus tard il rompt ses liens avec le parti communiste.
Le jeune homme tâte du journalisme à L'Alger républicain et commence à écrire.
Il épouse Simone Hié, dont il se sépare deux ans plus tard.
L'année suivante, il crée le Théâtre du Travail.
Quand arrive la guerre, en 1939, Albert Camus, réformé à cause de sa maladie, retourne chez sa mère où il termine une pièce de théâtre, Caligula. Il n'a que 27 ans, pas de relations, pas de diplôme mais déjà une vision très précise de son avenir, avec en projet un roman, L'étranger, et un essai philosophique sur l'absurdité de la condition humaine : Le mythe de Sisyphe.
En 1940, il épouse Francine Faure et s'installe à Paris, où il travaille pour Paris-Soir.
Francine Faure et Albert Camus en décembre 1940 |
Deux ans plus tard sont publiés L'Etranger et Le Mythe de Sisyphe. Les critiques applaudissent son œuvre, et la renommée d'Albert Camus grandit encore un peu plus. Il rencontre Jean-Paul Sartre, puis obtient un poste à Combat, qui est alors diffusé clandestinement.
Pendant la guerre, Albert Camus se montre particulièrement engagé. Ses prises de position et ses articles lui confèrent le statut d'intellectuel majeur. Mais même après le conflit, il ne cessera pas de dénoncer certaines injustices, comme les actions de justice sommaire et les dérives en temps de paix. Il est même le seul intellectuel occidental de son époque à avoir dénoncé l'usage de la bombe atomique.
En 1951 paraît un essai, L'homme révolté, qui explique sa vision de la lutte sociale et politique. Puis la guerre d'Algérie le déchire dans le plus profond de lui, il se retire silencieusement.
La Chute est publiée en 1956 : cette œuvre exprime tout le scepticisme et la noirceur de son auteur.
En 1957, Albert Camus obtient le Prix Nobel de littérature "pour l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant, les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes".
Le 4 janvier 1960 c’est l’accident. Il travaillait sur Le Premier Homme, roman autobiographique inachevé qui sera publié en 1994 par sa fille Catherine.
4 janvier 1960, c'est l'accident ! |
Célèbre pour son écriture, mais aussi pour son engagement et son humanisme, l'écrivain n'a cessé de s'interroger sur la condition humaine, tout en se faisant entendre lorsqu'une cause le révoltait.
Son œuvre touche à de nombreux genres littéraires, romans, essais, adaptations théâtrales, correspondances... On peut citer (entre autres) les quelques ouvrages suivants : L'Envers et l'Endroit (1937), essai, Le Mythe de Sisyphe (1942) essai sur l'absurde, L'Étranger (1942), roman, Caligula (pièce de théâtre), La Peste (1947), Les Justes (1949), L'Homme révolté (1951), La Chute (1956), Chroniques algériennes, Actuelles III, 1939-1958, Le Premier Homme...
Sources : La Dépêche, L'Yonne républicaine, L’internaute.
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