24 juin 1894 - Le poignard de Caserio.
Le 24 juin 1894, à Lyon, le président de la République Sadi Carnot est poignardé mortellement par Caserio, un anarchiste italien. L'événement provoque un choc dans tout le pays.
La une du quotidien Le Petit Journal, où un illustrateur a reconstitué l'assassinat du président Carnot. |
Ça s'est passé il y a 130 ans.
Sadi Carnot a été poignardé en pleine rue, alors qu'il quittait un banquet organisé en son honneur par la Chambre de commerce au palais de la Bourse, place des Cordeliers, en marge de l'Exposition universelle, internationale et coloniale qui se déroulait au parc de la Tête d'Or à Lyon.
"Le banquet a fini à neuf heures dix. Le cortège s'était reformé pour se diriger vers le théâtre où avait lieu une représentation de gala. M. Carnot avait pris place dans la première voiture. Il était arrivé à moitié de la façade du palais du Commerce donnant sur la rue de la République [...] lorsqu'un individu s'est précipité sur son landau et en a gravi brusquement le marchepied [...].
Je jetai instinctivement les yeux du côté du cortège, j'aperçus M. Carnot, dont le visage était devenu livide, s'affaisser sur le dossier du landau. La foule se rua aussitôt sur l'individu qui s'était jeté sur le landau présidentiel et que le préfet, M. Rivaud, assis à côté de M. Carnot, avait d'un coup de poing envoyé rouler sur la chaussée. On criait : “Le président de la République vient d'être victime d'un attentat ! Il a été frappé d'un coup de poignard !” [...]
Ceux qui l'avaient arrêté menaçaient de l'écharper sur place. Les sergents de ville ont eu la plus grande peine à le tirer de leurs mains. Il n'a pas fallu moins de dix gardiens de la paix pour protéger le coupable contre l'exaspération de la population. "
La nouvelle cause un choc dans toute la France, déjà secouée par plusieurs attentats anarchistes. Le nom du meurtrier est bientôt connu : Sante Geronimo Caserio, un Italien âgé de 20 ans. Un cet anarchiste originaire de Lombardie, dont les activités politiques lui ont valu une condamnation puis l'exil hors d'Italie un an plus tôt. " Sante, quand il était enfant, était joli comme un amour, raconte son frère, interviewé. Mais il y a deux ans, il commença à fréquenter les anarchistes. Ce fut alors que son cerveau commença à s’exalter. Il lisait, sermonnait, on eût dit un avocat. "
Caserio, conduit à la prison Saint-Paul de Lyon, est interrogé le 26 juin par le juge d'instruction Benoist :
"— Voyons, Caserio, pourquoi avez-vous voulu tuer le président de la République ? Le connaissiez-vous ? Aviez-vous un grief particulier contre lui ?
— Non, répond Caserio. C’était un tyran, je l’ai tué pour cela.
— Vous êtes anarchiste ?
— Oui, je m’en vante ! [...]
— Comment avez-vous frappé M. Carnot ?
— Je me suis avancé, repoussant le cheval d’un cuirassier. J’avais mon poignard ouvert dans ma manche. Je n’ai eu qu’à lever la main. J’ai visé le bas-ventre et ai laissé retomber le bras en criant : “Vive l’anarchie !” La foule s’est jetée sur moi, m’a terrassé, roué de coups. Les agents m’ont emmené au poste.
— Vous persistez à dire que vous n’avez pas de complice ?
— Oui. Mais, à propos, le président est-il mort ?
M. Benoist ne répond pas. Caserio semble penser que sa victime a succombé et ne dissimule pas sa satisfaction. Il sourit et, levant la main, fait le simulacre de frapper."
Pendant les quatre jours suivant l'attentat, des émeutes anti-italiennes se produisent à Lyon. Les maisons, magasins et commerces de la communauté italienne sont incendiés et pillés et des immigrés italiens sont molestés.
"La foule se presse compacte sur le parcours que doit suivre la dépouille mortelle de M. Carnot. Elle reste morne et silencieuse pendant le passage du cortège. Mais à peine le convoi s’est-il éloigné, que la foule devient houleuse. Des cris de haine sont proférés de tous côtés. On entend surtout ceux de “Vengeance ! Vengeance ! Nous vengerons Carnot ! À la porte les étrangers !”
"Dès ce moment, des bandes d’hommes, de femmes, d’enfants, se forment et se dirigent, drapeaux en tête, sur le pont de la Guillotière. En un instant, le cours Gambetta, les rues Montebello, Montesquieu sont envahis et la foule, de plus en plus furieuse, met à sac toutes les boutiques dont les propriétaires ont une désinence italienne."
Un policier et deux émeutiers (non italiens) périront dans ces émeutes. Caserio, l' assassin, est jugé les 2 et 3 août suivants, et condamné à la peine capitale. Il sera guillotiné à la prison Saint-Paul le 16 août. Ses derniers mots, sur l'échafaud, sont : "Courage, les amis ! Vive l'anarchie !".
Quant à Sadi Carnot, il recevra des funérailles nationales : il est inhumé au Panthéon le 1er juillet 1894.
Le cortège funèbre débouchant de l'avenue des Champs-Élysées sur la place de la Concorde. |
L'assassinat de Sadi Carnot conduira à l'adoption, le 28 juillet, de la troisième et dernière des "lois scélérates" visant à réprimer le mouvement anarchiste.
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Sources : Article partiellement ou en totalité issu de Wikimédia et l'article de Pierre Ancery publié le 16 février 2018 sur le site de la presse BnF Retronews - https://www.retronews.fr/justice/echo-de-presse/2018/02/16/lassassinat-de-sadi-carnot-lyon.
Pour les curieux : Patrick Harismendy, "Sadi Carnot, l'ingénieur de la République", Paris, Perrin, 1995
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