mardi 28 mai 2024

L'Affaire Jumonville


28 mai 1754 - La bataille de Jumonville Glen.


Première guerre de dimension mondiale, la guerre de Sept Ans (1756-1763) débute en Amérique du Nord, en Pennsylvanie, deux ans avant la déclaration de guerre officielle.

La mort de Jumonville vue par un illustrateur du XIXe siècle.

Ça s'est passé il y a deux cent soixante-dix ans.

Cette guerre que les Anglais appellent de leur côté "French and Indian War" (la guerre contre les Français et les Indiens), commence avec l'affaire Jumonville, le 28 mai 1754.

Les colons français de la Nouvelle-France ambitionnent au milieu du XVIII° siècle de coloniser la vallée de l'Ohio, la "Belle Rivière",aux confins des rivières Ohio, Allegheny et Monongahela, quoiqu'ils ne soient que quelques dizaines de milliers en tout. Pour surmonter leur infériorité numérique, ils s'assurent l'alliance des tribus indiennes, à l'exception des Iroquois. Enfin et surtout, ils érigent un solide fortin dénommé Fort-Duquesne à l'endroit où deux rivières se rejoignent pour former l'Ohio.

Irrités, les colons anglais de Virginie, qui revendiquent également la vallée, répliquent avec la construction d'un autre fort à proximité immédiate : Fort Necessity.

Le commandant de Fort-Duquesne Claude-Pierre Pécaudy de Contrecœur envoie l'un de ses adjoints, Joseph Coulon de Villiers, sieur de Jumonville, en délégation auprès de l'officier virginien, un certain... George Washington, en vue de le prier de quitter les terres du roi de France. Le futur président des États-Unis, qui a alors 22 ans, attend avec ses alliés iroquois, la petite troupe.

Les Français arrivent avec le drapeau blanc et Joseph Coulon de Villiers, sans méfiance, se dispose à lire son ultimatum. À ce moment-là, semble-t-il, les soldats anglais tirent sur la troupe, Joseph Coulon de Villiers, blessé, est achevé d'un coup de tomahawk par le chef iroquois Tanaghrisson, surnommé Half King. Neuf de ses hommes sont aussi tués, parfois après avoir été torturés, les autres soldats, au nombre d'une vingtaine, sont capturés.

En fait, on n'a pas de preuve que Jumonville ait été tué d'un coup de tomahawk. Selon d'autres récits, Joseph Coulon de Villiers n'aurait pas été capturé mais aurait fait partie des victimes de l'attaque de Washington. Adam Stephen, officier qui accompagnait Washington lors de l'événement, rapporte que Joseph Coulon de Villiers fut tué le premier. Il ne fait aucune référence à la capture de Joseph Coulon de Villiers, ni à son interrogatoire par le colonel Washington. Les Canadiens ont affirmé qu'il a été exécuté alors qu'il protestait pour avoir été pris en embuscade. Washington se justifiera par la suite en disant l'avoir pris pour un espion plutôt qu'un émissaire.

Ce qui est sûre est que George Washington assiste à toute l'opération sans descendre de son cheval.

L'affaire fait du bruit jusqu'en Europe, où la guerre s'emballe en même temps que l'arrivée de la nouvelle. Le meurtre de Joseph de Jumonville fait scandale en France et même l'anglophile Voltaire se fend d'un communiqué indigné : "Je ne suis plus Anglais depuis que les Anglais sont pirates sur mer et assassinent nos officiers en Nouvelle-France". En Angleterre, le politicien et écrivain Horace Walpole dépeint laconiquement l'affaire : "The volley fired by a young Virginian in the backwoods of America set the world on fire." ("Ce coup de feu tiré par un jeune Virginien dans les forêts d'Amérique a mis le Monde en feu").

La réputation de George Washington en est ternie - momentanément.

Le mois suivant, le frère de Joseph Coulon de Villiers, Louis, réplique en attaquant le fort virginien avec 500 hommes. Il reçoit la reddition de George Washington, qui est fait prisonnier, mais celui-ci quitte les lieux sans autre dommage, après avoir signé des aveux par lesquels il s'accuse d'être l'assassin de l'officier français. Il est remis en liberté

Les Virginiens ne se tiennent pas pour battus, le général Edward Braddock attaque à son tour Fort-Duquesne avec 1.850 hommes, y compris George Washington. Mais son armée est proprement décimée le 8 juillet 1755 à la bataille de la Monongahela, par seulement un millier de Français et d'Indiens. Le général est lui-même tué et c'est à George Washington que revient la responsabilité d'organiser la retraite.

George Washington tenant conseil dans la nuit précédant
sa reddition à Fort Necessity en 1754.

Là-dessus, 3.000 soldats français arrivent en renfort de France sous le commandement du baron de Dieskau. Celui-ci repousse les Anglais au sud du lac Champlain, mais ses troupes sont épuisées et il ne peut poursuivre son avantage.

Le gouvernement anglais, qui bénéficie d'une écrasante supériorité numérique en Amérique du Nord, n'entend pas lâcher prise. Il franchit un nouveau degré dans l'escalade et, faute de l'emporter sur terre, il ordonne la saisie de 300 navires de commerce français dans différents ports, partout dans le monde.

La guerre générale devient dès lors inéluctable... elle durera sept ans !

Après le conflit, les Anglais victorieux rebaptiseront Fort-Duquesne du nom de Fort-Pitt ou Pittsburgh, en l'honneur de leur Premier ministre. Le nom des frères de Coulon de Villiers sieur de Jumonville se retrouve quant à lui dans plusieurs artères de Montréal et d'autres villes du Québec.

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Il est très difficile de critiquer les grands personnages de l’histoire quand ils bénéficient d’une grande popularité. Il est malvenu de rappeler que le président Lincoln avait pour idée fixe de rapatrier en Afrique les esclaves noirs libérés une fois la guerre civile terminée ou bien d’évoquer l’alcoolisme chronique de Churchill.

De même, le rôle de George Washington dans la mort de l’officier français Joseph Coulon de Villiers, sieur de Jumonville, reste dans une zone d’ombre que peu d’historiens contemporains cherchent à éclairer.

Il est fort probable que l’on ne puisse jamais connaître la vérité car chacune des parties en présence avait de bonnes raisons de mentir. La thèse française a été bâtie à partir du récit du survivant canadien et du témoignage des prisonniers libérés. Leur intérêt était de diaboliser les Anglais afin d’effacer une faute tactique de leur part (ne pas avoir pris les précautions nécessaires à leur protection).

Les Anglais ont privilégié la thèse de l’attaque au petit matin car elle évitait toute accusation de traîtrise lors de la rencontre diplomatique.


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Source : Article partiellement ou en totalité issu de Wikimédia et du du Dictionnaire biographique du Canada.
Pour les curieux : Laurent Veyssière (dir.) et Bertrand Fonck (dir.), "La guerre de Sept Ans en Nouvelle-France", Québec, Septentrion (Canada) et PUPS (France), 2012, 360 p.

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