4 décembre 1642 - "Il est mort un grand politique"
Richelieu sur son lit de mort par Philippe de Champaigne (1642) |
Le 28 novembre 1642, Richelieu est pris d'un fort accès de fièvre et se plaint de violentes douleurs au côté. A dater de ce jour, sa santé va se dégrader très rapidement. Les médecins diagnostiquent une "pleurésie fausse". Le 2 décembre, le malade crache du sang. Ses médecins ne cachent pas leur pessimisme. La duchesse d'Aiguillon, sa nièce préférée, fait de son mieux pour soulager ses souffrances. Surmontant la douleur et l'épuisement qui le gagne, Richelieu, jusqu'aux derniers instants, conserve la haute main sur les affaires du pays. Entre deux crises de suffocation, il délivre ses ultimes ordres à une escouade de secrétaires réunis à son chevet. Il est à nouveau saigné deux fois et le sieur Bouvard, médecin du roi, s'installe chez lui.
Vers deux heures de l'après-midi, Louis XIII, revenu de Saint Germain en Laye, se présente au Palais Cardinal afin de rendre une dernière visite à son ministre. Depuis le 20 novembre, les deux hommes ne se sont pas vus ni n'ont échangé un mot (si ce n'est un court billet se rapportant à la dépêche que le cardinal a fait suivre au roi). Théâtral, Richelieu surmonte ses souffrances pour enfoncer le dernier clou. "Sire, voici le dernier adieu : en prenant congé de Votre Majesté, j'ai la consolation de laisser votre royaume dans le plus haut degré de gloire et de réputation où il ait jamais été, et tous vos ennemis abattus et humiliés." Ce rappel effectué, le cardinal demande à rester seul avec le roi. L'esprit toujours vif, il insiste pour que le souverain conserve les secrétaires d'état en place et désigne le cardinal Mazarin comme son successeur. Louis XIII se sent obligé de céder à ces exigences. Avant de quitter la pièce, le roi tient à présenter lui-même au malade deux jaunes d'œufs qui ont été prescrits comme ultime médication. Puis, se retirant, Louis XIII longe les galerie du Palais Cardinal en direction du Louvre et s'arrête devant les tableaux amassés par son ministre. Certains témoins ont prétendu l'avoir entendu rire ; comme si la disparition de Richelieu le soulageait.
Au soir, c'est encore une double saignée pour le mourant, tandis que la fièvre redouble. Le curé de Saint-Eustache lui apporte la communion.
Le lendemain, Louis XIII rend de nouveau visite au malade avec qui il a une entrevue d'une heure. Cette fois, il en sort bouleversé. Sentant sa fin proche, Richelieu demande au curé de Saint Eustache, sa paroisse, de lui administrer les derniers sacrements. A l'évêque de Lisieux, le fidèle Philippe Cospéan qui s'étonne de son assurance devant la mort, Richelieu confie : "Je n'ai jamais eu d'autres ennemis que ceux de l'Etat ". Grâce à un philtre médicinal, le cardinal passe une nuit à peu près calme ; au point qu'à son réveil, ses domestiques le croient sauvé. Mais Richelieu est trop clairvoyant pour se fier à cette illusoire rémission.
Le 4 décembre, vers midi, le cardinal, fatigué par les visites qu'il a reçues, prie la duchesse d'Aiguillon de le quitter. Il ne veut pas infliger le spectacle de son agonie à sa nièce préférée. Les larmes et les suppliques de celle qu'il déclare avoir "aimée plus que tous les autres " n'y font rien : elle doit se retirer. Jacques Lescot, le confesseur de Son Eminence, reste seul à ses côtés. Il racontera plus tard comment les yeux du cardinal, rivés au ciel, comme s'ils fixaient Dieu, s'assombrissent soudain après un dernier hoquet. "La flamme de la bougie que l'on incline sur la bouche du défunt s'élève sans que le moindre soupir ne la trouble".
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