jeudi 7 février 2019

Le bûcher des vanités

 

7 février 1497 - Un Mardi Gras enflammé

Statue de Girolamo Savonarola
à Ferrare, sa ville natale
Dans son obsession à renouer avec les Évangiles, le prédicateur dominicain Jérôme Savonarole fait dépouiller les Florentins de tous les signes de luxe. L’apogée de cette obsession se manifeste par l’élévation d'un gigantesque bûcher le 7 février 1497, jour du Mardi Gras, sur la place de la Seigneurie, en plein cœur de Florence, autour duquel la population est appelée à jeter au feu tout objet impliquant le luxe, le narcissisme, la frivolité et la tendance à se détourner du spirituel au profit du matériel. Fait notable, le peintre Sandro Botticelli vient lui-même déposer certains de ses chefs-d’œuvre, nus d’inspiration mythologique qui finirent brûlées aux côtés de nombreux bijoux, livres, perruques, miroirs, robes… "Le bûcher des vanités", (Il falo' delle vanita').

"Les enfants, organisés en censeurs de mœurs publiques, furent chargés de parcourir les maisons, d'y enlever tous les objets d'art, de toilette, des cartes, des instruments de musique, en un mot tous les outils avec lesquels Satan travaillait à la perte des âmes. Cette razzia fut opérée avec la dernière rigueur, et Savonarole ordonna que tous les objets proscrits seraient brulés le jour du Carnaval. Un bûcher fut élevé en forme de pyramide sur la place de la Seigneurie, et on y déposa les objets destinés au feu, après les avoir classés. A la base on mit les masques, les fausses barbes, les habits de mistassins, et autres nouveautés diaboliques ; au dessus, les livres des poètes latins et italiens, le Morgante, les oeuvres de Boccace, celles de Pétrarque, de Dante et autres semblables, puis les ornements de toilette de femme, pommades, parfums, miroirs, cheveux postiches, etc. ; par dessus, les instruments de musique de toute espèce, les échiquiers, les cartes, les trictracs ; enfin au deux rangs supérieurs se trouvaient les tableaux, portraits de femmes peints par les plus grands maîtres, et autres objets tenus pour être déshonnêtes. Ce bûcher représentait une valeur si considérable, qu'un marchand vénitien, à la vue de tous ces trésors qu'on allait livrer aux flammes, offrit à la seigneurie 20.000 écus, si on voulait les lui livrer. Loin d'accepter cette proposition les magistrats eurent la plaisante idée de faire executer le portrait de ce marchand et de le placer parmi ceux qu'on allait brûler." Extrait du Jérôme Savonarole de François-Tommy Perrens.

Ce fut là le dernier triomphe de Savonarole. En mai 1497 une sentence d'excommunication est lancée contre lui par le pape Alexandre VI (famille des Borgia). Accusé d’hérésie et de trahison envers la patrie Savonarole est arrêté, emprisonné et torturé pendant plusieurs jours. Sous la douleur, il avoue tous les chefs d’accusation.

Le 23 mai 1498 Jérôme Savonarole est condamné par l’inquisition a être pendu. Le pape lui accorde une ultime indulgence : avant de brûler sur le bûcher il sera tué par pendaison sur la place de la Seigneurie! Ses cendres sont jetées dans l’Arno. Le macabre bûcher amorce le déclin de la prestigieuse cité toscane. Même après sa mort, Savonarole continuera d’exercer une influence sur ceux qui l’ont connu: ainsi, Sandro Botticelli ne peindra plus de nu après l’épisode du bûcher des Vanités.

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Le Frère Dominicain Jérôme Savonarole (Ferrare 1452-Florence 1498) se situe dans la longue lignée des réformistes de la pensée chrétienne, d'Origène, Arius, Pelage ou Jean Hus,  (Luther est encore un enfant !). Il fut, pour un temps, le maître de Florence et l'ami de Charles VIII qui prétendait conquérir l'Italie. Méprisé par certains comme fanatique, respecté par d’autres pour sa vision d’une vie conforme à la loi divine, des voix s’élèvent encore aujourd’hui pour réclamer sa réhabilitation.
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