vendredi 15 février 2019

Henri III se marie

 

15 février 1575 - Mariage d'Henri et Louise


Rentré de Pologne, Henri, duc d'Anjou, avait décidé de se rendre à Reims pour y être sacré et de se marier dans les moindres délais. Il redoutait la perfidie de son frère François d'Alençon, qui jaloux, était prêt à tout pour s'emparer du trône laissé vacant depuis le décès de Charles IX.
La cérémonie du sacre était programmée pour le dimanche 13 février 1575 et celle du mariage le 15, soit deux jours après.

Autant les préparatifs du sacre furent sans problème, autant le nom de l'heureuse élue pour le mariage suscita de nombreuses interrogations.

On savait qu'Henri avait refusé la main d'Elisabeth d'Autriche (sa belle-sœur, veuve de Charles) et celle d'une princesse suédoise présentée par sa mère Catherine de Médicis et de bien d'autres beaux partis. En vérité il était prêt à refuser toutes prétendantes. Il ne tenait pas à se marier. Le souvenir de son grand amour, décédée en couches depuis à peine cinq mois, Marie de Clèves l'obsédait toujours, mais la raison d'Etat lui "faisait obligation de se hater".


Il n'avait pas oublié Louise de Vaudémont, rencontrée en Lorraine, peu de temps avant son départ pour la Pologne. Elle ressemblait à Marie de Clèves. "La foi de Louise s'accordait à la sienne et sa modestie le rassurait, comme aussi l'admiration qu'elle lui vouait et dont il ne suspectait pas un instant la sincérité. Elle serait la compagne pieuse et paisible dont il avait besoin et que Marie de Clèves eût été, si elle avait vécu."

Sa décision était prise. Il épouserai Louise de Vaudémont. Mais restait une dernière formalité : faire part de ses intentions à sa mère et obtenir son consentement. Henri chargea le fidèle Hurault de Cheverny de cette délicate mission. Apprenant la nouvelle, la reine-mère en fut stupéfaite. Elle pensait que depuis la mort de Marie de Clèves, son fils ne songeait plus à se marier. Ne pouvant rien empêcher, elle pris le parti d'approuver chaudement; bien qu'elle redoutait que les Guise, apparentés à la future reine, profiteraient de la situation. Mais, renseignements pris, elle fut conquise et rassurée par le caractère "doux et dévot de cette princesse plus propre à prier Dieu qu'à se mêler des affaires".

Hurault de Cheverny fut aussi du voyage en Lorraine pour demander par procuration pour Henri la "main" de Louise à son père. La surprise du comte de Vaudémont fut totale! C'est dans un récit à la manière d'un conte de fées que les biographes de Louise de Lorraine ont relaté comment la jeune fille avait appris qu'elle allait épouser Henri III et devenir reine de France. "Dans le triste palais de son père le comte Nicolas de Vaudémont, Louise jouait les Cendrillon. Sa marâtre, Catherine d'Aumale, ne daignait lui adresser la parole et encore moins la visiter. Un matin, quelle ne fut pas sa surprise, lorsque sa belle-mère pénétra chez elle et exécuta les trois révérences réservées aux reines de France. Pensant que Catherine d'Aumale se moquait d'elle, Louise s'empressa de s'excuser d'être encore au lit et de ne pas avoir été à son lever. Avec une douceur imprévue, la marâtre s'excusa à son tour et lui annonça qu'elle allait épouser Henri III. Stupéfaite, Louise crut à une mauvaise plaisanterie. Mais le comte de Vaudémont arriva sur ces entrefaites et confirma l'incroyable nouvelle. Louise se crut alors touchée par une baguette magique". C'était vraiment pour tous, le mariage de Cendrillon et du Prince charmant ! Dès cet instant, Louise voua à Henri un amour absolu.

Mais qui était Louise de Vaudémont ? Née le 30 avril 1553, au château de Nomény, Louise est l'aînée des quatorze enfants de Nicolas de Mercœur, comte de Vaudémont et cadet peu fortuné de la Maison de Lorraine, qui a assumé la régence du duché pendant la jeunesse, puis les absences, de son neveu Charles III. Louise n'a qu'un an lorsque sa mère, Marguerite d'Egmont, issue d'une grande famille des Pays Bas, décède. Sa belle-mère, Jeanne de Savoie Nemours, la traite avec affection, lui fait donner une solide instruction et l'introduit à la Cour de Nancy quand elle a dix ans. Là, elle apprend les bonnes manières, brille dans le monde, assiste même, en Bavière, aux noces de sa cousine Renée de Lorraine avec le duc Guillaume V. Mais de nouveau veuf, son père se remarie avec Catherine d'Aumale. Cette marâtre, hautaine et jalouse, confine la jeune fille dans un isolement rompu, à de rares occasions, par la duchesse Claude, épouse du duc de Lorraine et fille d'Henri II et de Catherine de Médicis.
Elevée simplement et fort pieuse, Louise n'a ni rang ni fortune. Justement, cette absence de dot, qui dans le passé a fait échouer plusieurs projets de mariage, rassure Henri III : la future reine n'existera que par lui et sera toute à lui. Il confia à son chancelier, Philippe Hurault, comte de Cheverny, que s'il se mariait un jour, "qu'il voulait prendre une femme de sa nation qui fut belle et agréable, disant qu'il en désirait une pour la bien aimer et avoir des enfants". De tels propos surprennent, surtout à une époque où mariage et amour ne font pas bon ménage.


Bien sure qu'au fond d'elle-même Catherine aurait préféré une princesse de sang royal, mais c'était le choix de son fils préféré et de plus n'était-il pas préférable à celui de la dernière prétendante Marie d'Elbeuf, de la Maison de Guise, ou de celui de sa maitresse en titre, la jeune Renée de Châteauneuf, qui se flattait toujours d'épouser le roi, surtout depuis la mort de Marie de Clèves.

Le mardi 15 février, Reims est en fête, Louise aux anges et Henri, fraichement couronné, épouse Louise de Vaudémont.

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jeudi 7 février 2019

Le bûcher des vanités

 

7 février 1497 - Un Mardi Gras enflammé

Statue de Girolamo Savonarola
à Ferrare, sa ville natale
Dans son obsession à renouer avec les Évangiles, le prédicateur dominicain Jérôme Savonarole fait dépouiller les Florentins de tous les signes de luxe. L’apogée de cette obsession se manifeste par l’élévation d'un gigantesque bûcher le 7 février 1497, jour du Mardi Gras, sur la place de la Seigneurie, en plein cœur de Florence, autour duquel la population est appelée à jeter au feu tout objet impliquant le luxe, le narcissisme, la frivolité et la tendance à se détourner du spirituel au profit du matériel. Fait notable, le peintre Sandro Botticelli vient lui-même déposer certains de ses chefs-d’œuvre, nus d’inspiration mythologique qui finirent brûlées aux côtés de nombreux bijoux, livres, perruques, miroirs, robes… "Le bûcher des vanités", (Il falo' delle vanita').

"Les enfants, organisés en censeurs de mœurs publiques, furent chargés de parcourir les maisons, d'y enlever tous les objets d'art, de toilette, des cartes, des instruments de musique, en un mot tous les outils avec lesquels Satan travaillait à la perte des âmes. Cette razzia fut opérée avec la dernière rigueur, et Savonarole ordonna que tous les objets proscrits seraient brulés le jour du Carnaval. Un bûcher fut élevé en forme de pyramide sur la place de la Seigneurie, et on y déposa les objets destinés au feu, après les avoir classés. A la base on mit les masques, les fausses barbes, les habits de mistassins, et autres nouveautés diaboliques ; au dessus, les livres des poètes latins et italiens, le Morgante, les oeuvres de Boccace, celles de Pétrarque, de Dante et autres semblables, puis les ornements de toilette de femme, pommades, parfums, miroirs, cheveux postiches, etc. ; par dessus, les instruments de musique de toute espèce, les échiquiers, les cartes, les trictracs ; enfin au deux rangs supérieurs se trouvaient les tableaux, portraits de femmes peints par les plus grands maîtres, et autres objets tenus pour être déshonnêtes. Ce bûcher représentait une valeur si considérable, qu'un marchand vénitien, à la vue de tous ces trésors qu'on allait livrer aux flammes, offrit à la seigneurie 20.000 écus, si on voulait les lui livrer. Loin d'accepter cette proposition les magistrats eurent la plaisante idée de faire executer le portrait de ce marchand et de le placer parmi ceux qu'on allait brûler." Extrait du Jérôme Savonarole de François-Tommy Perrens.

Ce fut là le dernier triomphe de Savonarole. En mai 1497 une sentence d'excommunication est lancée contre lui par le pape Alexandre VI (famille des Borgia). Accusé d’hérésie et de trahison envers la patrie Savonarole est arrêté, emprisonné et torturé pendant plusieurs jours. Sous la douleur, il avoue tous les chefs d’accusation.

Le 23 mai 1498 Jérôme Savonarole est condamné par l’inquisition a être pendu. Le pape lui accorde une ultime indulgence : avant de brûler sur le bûcher il sera tué par pendaison sur la place de la Seigneurie! Ses cendres sont jetées dans l’Arno. Le macabre bûcher amorce le déclin de la prestigieuse cité toscane. Même après sa mort, Savonarole continuera d’exercer une influence sur ceux qui l’ont connu: ainsi, Sandro Botticelli ne peindra plus de nu après l’épisode du bûcher des Vanités.

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Le Frère Dominicain Jérôme Savonarole (Ferrare 1452-Florence 1498) se situe dans la longue lignée des réformistes de la pensée chrétienne, d'Origène, Arius, Pelage ou Jean Hus,  (Luther est encore un enfant !). Il fut, pour un temps, le maître de Florence et l'ami de Charles VIII qui prétendait conquérir l'Italie. Méprisé par certains comme fanatique, respecté par d’autres pour sa vision d’une vie conforme à la loi divine, des voix s’élèvent encore aujourd’hui pour réclamer sa réhabilitation.
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vendredi 1 février 2019

La fin des Capétiens directs

 

1er février 1328 - La succession est ouverte !


Durant la nuit de Noël de 1327, le roi Charles fut assailli de vives douleurs qui l'obligèrent à cesser toutes activités, et à s'aliter durant tout le mois de janvier (*). Il mourut le 1er février de l'année 1328, (selon notre calendrier), dans son château de Vincennes, à l'âge de trente-Quatre ans, après six ans de règne. Il avait eu le temps de manifester ses dernières volontés, qui furent fidèlement exécutées. Son corps fut inhumé à Saint Denis auprès de son père Philippe IV et de ses frères, Louis et Philippe. Son cœur fut donné aux dominicains de Paris et ses entrailles aux cisterciennes de Maubuisson.

Charles IV le Bel ne laissait aucun héritier pour le trône. De sa première épouse, Blanche de Bourgogne, il avait eu deux filles, mortes en bas âge. De sa seconde femme, Marie de Luxembourg, un fils, mort après quelques heures de vie. De sa troisième épouse, Jeanne d'Evreux, deux filles : la première prénommée Jeanne décédée depuis janvier 1327 ; la seconde, Marie, encore vivante, née en 1327 (qui devait décéder en 1341). Ainsi à la mort du roi, il ne lui restait plus pour descendance qu'une fille âgée d'un an à peine. Or l'assemblée nationale des 2 et 3 février 1317 avait décidé que nulle femme ne pouvait succéder au trône de France. La fille ainée de Philippe V, Jeanne, s'était ainsi trouvé victime d'une loi suscitée par son propre père. Et Marie, fille survivante de Charles, devenait victime à son tour de cette loi innovée par son oncle.

Tout n'était pas dit pour la descendance de Charles IV. Car Jeanne d'Evreux était enceinte de sept mois. Il fut convenu d'attendre l'accouchement, avant de prendre une décision quant à la succession du roi défunt. On savait que, si le nouveau-né était un fils, le régent mettrait la main pendant quatorze ans sur la politique de la France, et que si l'enfant était une fille, le régent avait route les chances de devenir roi. Charles mourant aurait souhaité, selon le chroniqueur Jean Lebel que Jeanne accoucha d'un fils. Au cas contraire "il pria les douze pairs et les barons de tenir conseil et de donner le trône à qui de droit". Mais à qui appartenait ce droit? Charles ne s'était pas prononcé à ce sujet.

Parmi les prétendants figuraient, Philippe de Valois, âgé de trente-cinq ans, cousin germain du roi défunt, et premier prince de sang ; Philippe d'Evreux, fils de Louis d'Evreux, cousin de Philippe de Valois, pouvait être candidat comme l'explique Eugène Déprez : "outre qu'il était le beau-frère de Charles IV, qui avait épousé Jeanne d'Evreux, il avait lui-même épousé Jeanne de Navarre, fille de Louis X". Un troisième candidat montra le bout de son nez. Candidat inattendu en la personne d'Edouard III, roi d'Angleterre depuis un an, et âgé de seize ans. Il s'appuyait sur un motif de parenté : Isabelle, sa mère, était la sœur du roi défunt, et donc le plus proche héritier du trône.

Le problème de sa succession devenait l'objet d'un véritable suspense.

Les partisans des princes français objectèrent que, les femmes n'ayant aucun droit au trône, leur descendance ne pouvait non plus en avoir. A l'inverse, Jeanne d'Evreux répliquait que, si le droit des femmes était rétabli en faveur d'un fils d'Isabelle de France, sa fille Marie l'emportait comme héritière directe du roi défunt. Mais Philippe d'Evreux, son frère, invoqua que, époux de Jeanne de Navarre, elle-même fille de Louis X, sa femme et lui étaient les mieux placés pour hériter de la couronne, pour s'il leur naissait un fils !

Après les funérailles de Charles IV, les pairs du royaume désignèrent pour régent Philippe de Valois. Tous étaient impatients de connaitre le sexe du royal rejeton. A Vincennes, le 1er avril, Jeanne accoucha d'une fille prénommée Blanche. Aussitôt les "douze pairs et les haulx barons" se réunirent à nouveau, et désignèrent pour roi le régent, qui prit le nom de Philippe VI.

L'affaire de succession était entendue. La branche de Capétiens directs s'éteignait définitivement. Le nouveau roi fut sacré à Reims le 29 mai 1328. Le règne des Valois pouvait commencer….


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(*) - Selon le calendrier de l'époque, ce mois de janvier appartenait encore à l'année 1327.

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