samedi 30 juin 2018

La lance de Montgomery

 

30 juin 1559 - Le tournoi fatal


C'était au tour de la joute des reines, dernier tournoi de la journée, dernière festivité avant le départ d'Elisabeth pour l'Espagne à la rencontre de son futur époux Philippe II. Le roi portait son armure d'apparat, argent et noir, les couleurs de sa maitresse Diane de Poitiers, pourtant c'est à son épouse Catherine qu'il dédia cette dernière passe d'armes. Une Catherine de Médicis, pleine d'appréhension. Nostradamus avait prédit la veille la mort du roi, dans ces dernières Centuries :
Le tournoi fatal

            Le lion jeune le vieux surmonteras
            En champ bellique par singulier duel;
            Dans cage d'or les yeux lui crèvera,
            Deux classes une, puis mort cruelle.

Par deux fois, dans la journée, le jeune Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, avait déjà failli désarçonner le roi et demanda lui-même d'annuler la joute. Henri II passa outre.

L'ambassadeur d'Angleterre présent dans la tribune royale raconte : "Lorsque la trompette retentit, le jeune de Montgomery lui donna un contrecoup tel qu'il s'abattit sur le tête du Roi, fit sauter son panache, orné de grandes plumes, qui était fixé au heaume par du fer, cassa sa lance, et avec ce qu'il en restait, frappant le visage du Roi, il en envoya un morceau juste au-dessus de son oeil droit avec tellement de force et de violence qu'il eut beaucoup de mal à rester à cheval."

Les deux chevaliers se chargèrent si furieusement que leurs lances se rompirent et que leurs chevaux se dressèrent sur leurs jambes arrière. Montgomery n'eut pas le réflexe d'abaisser le tronçon de sa lance, ou n'en eut pas le temps. Le tronçon souleva la visière mal attachée et entra dans l'oeil, où il demeura fiché. Le roi resta en selle. On le vit soudain lâcher la brise, vaciller, étreindre l'encolure de son cheval qui galopait vers l'entrée de la Lice. On descendit le blessé avec précaution. On lui enleva son heaume. Le visage apparut ensanglanté, avec des esquilles plantées dans l'oeil et dans la tempe.

Le roi avait repris connaissance. Il était parvenu à monter dans sa chambre, avec l'aide de Guise et de Montmorency. Ils l'avaient étendu sur son lit. Les médecins arrivèrent. Ils parvinrent à retirer cinq éclats de bois et firent un pansement. L'agonie du roi dura dix jours. Ambroise Paré, qui avait guéri le duc de Guise d'une blessure presque aussi grave, ne put juguler l'infection. Le 9 juillet, à minuit, on célébra le mariage de la princesse Marguerite, sœur du roi et d'Emmanuel-Philibert, duc de Savoie : la cérémonie, selon Vieilleville, ressemblait à des funérailles.

Henri II mourut le lendemain, vers une heure de l'après-midi.

______________________________



lundi 25 juin 2018

Mort de Simon de Montfort

 

25 juin 1218 - Le boulet fatal

La mort de Simon de Montfort 
au siège de Toulouse
Ca s'est passé il y a huit cents ans. 

Ce 25 juin 1218, Toulouse est assiégée depuis déjà neuf mois.

Révoltés contre les croisés qui tiennent leur ville sur décision du pape Innocent III, les Toulousains ont demandé le soutien de leur ancien seigneur exilé. Le 13 septembre 1217, avec la complicité de ses sujets, Raymond VI entre dans Toulouse. 

Alerté par sa femme, restée au Château narbonnais, Simon de Montfort, alors en campagne du côté de Nîmes, envoie son fils et son frère organiser la contre-attaque. Mais, entre temps, les croisés ont été chassés de Toulouse par la population, galvanisée par la présence de son seigneur. Profitant d'une courte trêve, les habitants entreprennent de relever les remparts, sachant qu'une fois réorganisés les croisés ne feront pas de quartiers. 

Le 22 septembre, les Montfort et leur suite arrivent en vue de Toulouse. Aussitôt la bataille s'engage. Une brèche est ouverte, par laquelle les soldats tentent de s'infiltrer, mais ils sont durement repoussés. Simon de Montfort se décide alors à intervenir et fait route vers Toulouse avec le légat du pape. Début octobre, ils rejoignent Guy de Montfort et lancent l'assaut sans attendre. La résistance toulousaine oblige les croisés, réfugiés dans le Château narbonnais, à mettre le siège. Les Français envoient des messagers et réclament du renfort aux membres de la croisade rentrés chez eux neuf ans plus tôt, après avoir prêté serment d'accourir en cas de besoin. 

Des mois durant, le siège se résume à une suite d'escarmouches, de tentatives de sortie toulousaines et de percées des croisés. Simon de Montfort le premier, les Français, gagnés par le découragement et leurs finances lourdement grevées, commencent à perdre patience. 

Ce 25 juin 1218, ils sont prêts à abandonner lorsque les Toulousains tentent une ultime sortie…

"A l'aube, Montfort assiste à la messe dans la chapelle du château Narbonnais. Il prie Dieu de lui donner aujourd'hui la victoire ou la mort.
Pendant ce temps, l'abri roulant continue d'approcher. Il est maintenant sous le tir de nos archers et de nos arbalétriers postés dans les tranchés les plus avancés.
Guy de Montfort, qui commande les opérations, doit faire face à un harcèlement incessant. Tantôt ce sont les cavaliers toulousains qui sortent au galop, jetant des torches pour incendier l'engin, tantôt ce sont les rochers et les dards qui s'abattent de tous cotés à la fois.
Tout à coup, il est soulevé vers le ciel par son cheval qui se cabre violemment, un carreau d'arbalète profondément enfoncé dans l'oeil. L'animal s'écroule foudroyé. Guy de Monfort, la jambe prise sous le cadavre de sa monture, peine à se relever. Un archer toulousain prend le temps de le viser soigneusement. Sa flèche vient transpercer la cuisse d'où le sans jaillit aussitôt.
Alerté, Simon de Montfort a quitté la chapelle pour bondir en selle. Un instant plus tard, il est là, saute à terre et se précipite vers son frère au milieu de la bataille. Les nôtres se replient un instant derrière les lices pour retrouver leur souffle et laisser les catapultes entrer en action. Les pierres volent sur la chatte et vers le groupe de chevaliers qui tentent d'évacuer Guy.
Noires et rapide comme un rapace, elle tombe du ciel pour fondre sur sa proie. La pierre lancée par les toulousains vient droit sur le heaume de Simon de Monfort. Sous la violence du choc, le métal éclate et le crâne se brise. Il chancelle un instant, fait un pas puis tombe droit à la renverse, les bras en croix, raide mort.
Sur le champ de bataille le vacarme a cessé. Durant un bref instant règne un silence tel que je crois entendre chanter un oiseau. Tout est suspendu devant ce basculement du destin.
Et puis soudain une ovation sans fin s'élève de nos remparts, elle se propage dans les rues, montent dans les étages et s'amplifie jusqu'en haut des églises où les guetteurs s'époumonent sur leurs trompes. Les cloches de la ville font résonner l'air de Toulouse des vibrations de la victoire et de la liberté.
Sur le chemin de ronde, je me laisse tomber à genoux et je prie. Pour une fois, pour la premières fois peut-être, je ne demande rien à Dieu. Je ne l'implore pas. Je n'ai plus qu'à lui dire merci."
(*)

Commencé en septembre 1217, le siège de la "ville rose" est levé le 25 juillet 1218. Toulouse est sauvée.

______________________________
* Extrait de "Raimond le Cathare" de Dominique Baudis (Michel Lafon, Ed. Ramsay).

Dominique Baudis
(1947-2014) : journaliste, écrivain et homme politique français. Il a notamment été journaliste de télévision, puis maire de Toulouse, député, président du conseil régional de Midi-Pyrénées, député européen, puis président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et Défenseur des droits.
______________________________